Guinée-Bissau : comment Bubo Na Tchuto s’est fait piéger par la DEA

Sans doute a-t-il manqué de prudence… Le 3 avril, le contre-amiral Bubo Na Tchuto a été arrêté au large du Cap-Vert par des agents américains qui le soupçonnent d’être un baron de la drogue.

Il n’est pas exclu que Bubo ait été la victime d’intrigues au sommet de l’armée. © AFP/Getty Images

Il n’est pas exclu que Bubo ait été la victime d’intrigues au sommet de l’armée. © AFP/Getty Images

Clarisse

Publié le 22 avril 2013 Lecture : 2 minutes.

La scène se déroule en 2006. Le contre-amiral Bubo Na Tchuto est alors le chef d’état-major de la marine bissau-guinéenne. Assis à l’arrière d’une petite vedette poussive, il répond crânement aux questions d’un journaliste britannique pour les besoins d’un documentaire sur le trafic de drogue. Face à la caméra, il regrette que la Guinée-Bissau, avec ses centaines de kilomètres de côtes et de mangroves, soit si difficile à surveiller, et se plaint que ses navires ne puissent pas rivaliser avec les hors-bords des Colombiens. À l’époque déjà, certains l’accusent d’être leur complice. « Moi ? fait-il mine de s’offusquer. Qu’ils le prouvent ! Je ne serai jamais, ni aujourd’hui, ni demain, ni dans mille ans un trafiquant de drogue. » Le 3 avril dernier, il a pourtant été arrêté par les Américains dans les eaux internationales au large du Cap-Vert alors qu’il espérait finaliser une grosse transaction.

Tout commence en milieu d’année dernière. Des agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) se font passer pour des membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et approchent des présumés trafiquants en Colombie et en Guinée-Bissau. Parmi eux, Bubo Na Tchuto, dont le nom figure depuis trois ans sur la liste noire des États-Unis. Les faux rebelles des Farc proposent d’acheminer de la cocaïne jusqu’à Bissau dans des cargaisons d’uniformes militaires. Ils suggèrent ensuite aux trafiquants de créer une société écran pour réexporter la drogue vers les États-Unis. Enthousiaste, selon le communiqué de la DEA (qui, pas peu fière de sa prise, n’est pas avare de détails), Bubo Na Tchuto répond que le moment est opportun, car le gouvernement est fragilisé par un « récent coup d’État ».

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Un million de dollars par tonne

Bon seigneur, il propose d’utiliser une de ses sociétés pour faciliter la sortie de la cocaïne de Guinée-Bissau. Mais ce ne sera pas gratuit ; il demande 1 million de dollars par tonne réceptionnée. L’affaire est vite conclue. Seule condition fixée par les pseudo-Farc : que la transaction se fasse dans les eaux internationales. Normal, c’est l’usage. C’est donc en toute confiance que Bubo Na Tchuto embarque à bord d’une vedette mise à sa disposition par ses « partenaires », sans se douter que le piège va se refermer sur lui et deux de ses complices, Papis Djeme et Tchamy Yala.

Dans la foulée, la DEA interpelle quatre autres trafiquants présumés (deux sont neutralisés à Bogotá). Bubo Na Tchuto, lui, a été immédiatement envoyé aux États-Unis via le Cap-Vert. Figure incontournable de la scène politique bissau-guinéenne depuis la lutte pour l’indépendance dans les années 1960, il n’est pas exclu qu’il ait été la victime de ces intrigues qui se nouent au plus haut sommet de l’armée et dont il a si souvent usé. Arrêté en décembre 2011, accusé d’avoir préparé un coup de force contre ses anciens alliés, il avait été rapidement libéré mais n’était plus ni aussi puissant ni aussi craint qu’auparavant. Peut-être a-t-il oublié toute prudence en tentant de « se refaire » trop tôt, trop vite.

>> Lire aussi : Indjai, chef d’état-major des armées, inculpé de narcoterrorisme aux États-Unis

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