Présidentielle malgache : chacun pour soi

Grosse pagaille dans les rangs du pouvoir. Andry Rajoelina ne sera pas candidat à sa succession lors de la présidentielle de juillet, et les appétits de ses alliés s’en trouvent décuplés.

Les alliés de Rajoelina peinent à s’entendre. © Gles/J.A.

Les alliés de Rajoelina peinent à s’entendre. © Gles/J.A.

Publié le 22 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

A ce rythme, de la puissante machine qui avait bouté hors du territoire le président Marc Ravalomanana en mars 2009, il ne restera plus que des pièces détachées. En quatre ans, le TGV, qui est à la fois le surnom donné à Andry Rajoelina (en référence à la rapidité de son ascension et à son caractère fonceur) et les initiales de son parti (Tanora malaGasy Vonona), a perdu de sa splendeur. AÂÂ en croire la presse qui lui est favorable, il a même déraillé.

Le premier tour de l’élection présidentielle est prévu dans trois mois, mais, déjà , la mouvance qui a accompagné Rajoelina durant la crise politique est en lambeaux. Après les poids lourds qui l’avaient soutenu en 2009 et qui ont, depuis, au mieux pris leurs distances, au pire rejoint l’opposition (Roland Ratsiraka, Monja Roindefo, Pierrot Rajaonarivelo notamment), c’est au tour de ses proches collaborateurs de se disperser.

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Brinquebalant

Jean Lahiniriko fut le premier à quitter un train déjà brinquebalant. C’était en début d’année. Rajoelina venait à peine d’annoncer qu’il ne se présenterait pas à l’élection du 24 juillet, comme le lui avaient fortement suggéré les médiateurs, quand Lahiniriko a déclaré sa candidature. Ce n’est pas tant sa célérité à la jouer en solo qui a choqué l’entourage présidentiel que les mots qu’il a employés le 27 janvier : « Aucun changement n’est palpable malgré les promesses d’une nouvelle vie martelées durant toute la transition, déplore-t-il ce jour-là. Depuis quatre ans maintenant, ni les pratiques ni les mentalités des dirigeants que nous avons décriées durant les luttes de 2009 n’ont évolué. »

Candidat malheureux lors de la dernière présidentielle de 2006 (deuxième derrière Ravalomanana), Lahiniriko fut pourtant un allié fidèle de Rajoelina. Depuis trois ans, il était le vice-président de l’Union des démocrates et des républicains pour le changement (UDR-C), la coalition de vingt-quatre partis soutenant le président.

Lèse-majesté

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Deuxième personnalité du régime à s’émanciper, début avril : Hajo Andrianainarivelo. Lui non plus n’a pas jugé nécessaire de ménager ses anciens compagnons. Certes, il n’a pas critiqué leur bilan, mais il s’est adonné à un crime de lèse-majesté en officialisant sa candidature deux jours seulement avant que débute le congrès du TGV à l’issue duquel le parti devait choisir son candidat. Et il a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : « Il y a longtemps que la mouvance Rajoelina n’existe plus. »

Issu d’une famille aristocratique, cet ingénieur de formation et qui fut maire – comme son père – d’Ankadinandriana, l’un des berceaux de la noblesse merina, n’a jamais caché ses ambitions. En 2009, il ne pesait pas grand-chose, mais les Malgaches ont appris à le connaître. Nommé dans le premier gouvernement de Rajoelina, quand celui-ci n’était encore que le président de la rue, il n’en est jamais sorti : voilà plus de quatre ans qu’il dirige le même ministère, celui de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire. Il a vu passer quatre Premiers ministres sans jamais être inquiété. Aujourd’hui encore, il est le vice-Premier ministre. « C’est Rajoelina qui l’a fait ! » s’étrangle un ami du président ulcéré par sa « trahison ».

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Depuis quelque temps, « Hajo » était en froid avec le président, qui a finalement opté pour Edgar Razafindravahy, un autre représentant de la noblesse merina. Ce n’est pas la première fois que ce businessman touche-à-tout, qui possède le quotidien le plus influent de l’île (L’Express de Madagascar), est adoubé par Rajoelina. En 2009, peu de temps après sa prise du pouvoir, ce dernier l’avait nommé à la tête de la capitale, Antananarivo, ce qui lui avait servi de formidable tremplin présidentiel. TGV lui devait bien ça : en 2007, Razafindravahy avait financé sa conquête de Tana et, en 2009, il faisait partie des bailleurs de fonds de la « révolution ».

Aristocratie

Ce choix a laissé perplexe plus d’un partisan de Rajoelina. « C’est une erreur, tranche un cadre du mouvement. Il ne fallait pas choisir un Merina. Il fallait un côtier. Non seulement Edgar est, hormis à Tana, inconnu de la plupart des Malgaches mais, en plus, l’étiquette "aristocratie merina" lui colle à la peau. Comme Hajo d’ailleurs. » « On n’assiste pas seulement à l’implosion du mouvement de 2009, analyse l’historien et éditorialiste Denis-Alexandre Lahiniriko (aucun lien de parenté avec Jean). On assiste aussi à la division des Merinas. Un schéma classique sous la colonisation qui pourrait leur être fatal. »

Le risque est d’autant plus grand que les dissensions pourraient se multiplier. Peu après l’annonce du résultat des votes, à la fin du congrès, des militants du TGV ont quitté la salle en hurlant à la fraude. Depuis, les concurrents de Razafindravahy sont sommés par leur entourage de briser la discipline de parti et de se présenter à leur tour.

« Il ne faut pas se leurrer, indique un compagnon de la première heure de Rajoelina, la mouvance avait un seul dénominateur commun : Rajoelina. AÂÂ partir du moment où il n’est plus là, nous n’avons plus rien à faire ensemble. »

Chez Ravalo, c’est le boss qui décide

Pendant que le clan présidentiel s’écharpe, la mouvance Ravalomanana paraît plus unie que jamais. « C’est lui, le patron, c’est lui qui décidera qui sera candidat, et nous nous plierons à son choix », indique l’un des prétendants. Officiellement, le président déchu, qui vit en exil en Afrique du Sud et qui, comme son successeur, s’est engagé à ne pas se présenter à cette élection, ne désignera pas de candidat tant qu’il ne sera pas autorisé à rentrer au pays. Du bluff, convient l’un de ses proches collaborateurs : « S’il ne peut pas rentrer, il désignera son dauphin. Mais il va attendre le dernier moment. » Deux noms reviennent avec insistance : ceux de Mamy Rakotoarivelo et de Pierrot Botozaza. Ils ont jusqu’au 28 avril pour déposer leur dossier.

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