Tunisie : Kaïs Saïed, entre le marteau du FMI et l’enclume de l’UGTT

Alors que les caisses de l’État sont vides, le FMI exige des réformes structurelles avant d’accorder un nouveau prêt au pays. Des mesures auxquelles s’oppose l’UGTT.

Le président tunisien Kais Saied à l’ouverture de la huitième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) à Tunis, le 27 août 2022. Tunisia’s President Kais Saied attends the opening session of the eighth Tokyo International Conference on African Development (TICAD) in Tunisia’s capital Tunis on August 27, 2022. – Japan opened the Africa investment conference seeking to counter the influence of rival China which has steadily grown its economic imprint on the continent. It takes place amid a « complex » international environment caused by the coronavirus pandemic and the war in Ukraine. Some 30 heads of state and government are expected to attend the event at a time when the import-dependent North African nation is grappling with a deepening economic malaise. © FETHI BELAID/AFP

Publié le 14 septembre 2022 Lecture : 3 minutes.

Après avoir délégué au gouvernement les discussions avec le patronat et les syndicats depuis plusieurs mois, le président Kaïs Saïed a reçu Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et le patron des patrons, Samir Majoul, président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), le 12 septembre.

Une manière pour le chef de l’État de se poser en arbitre des débats, et d’en appeler à la bonne volonté du syndicat, comme du patronat. Aucune déclaration n’a été faite à la sortie de l’entrevue, entretenant le flou sur l’avancée des négociations.

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Situation inextricable

Avant toute négociation pour un nouveau prêt de 4 milliards de dollars en faveur de la Tunisie, le Fonds monétaire international (FMI) exige que la puissante centrale syndicale (UGTT) entérine le plan de réformes présenté par le gouvernement Bouden. Parmi les mesures prévues, la levée de la compensation de l’État sur les produits de base dont les hydrocarbures, le gel des salaires de la fonction publique et la cession d’entreprises publiques.

Depuis décembre 2021, ce point constitue un véritable nœud gordien que ni le gouvernement, ni l’UGTT ne semblent en mesure de défaire. Les représentants de l’État suggèrent d’aller au plus vite vers un accord afin de cocher une case de plus dans la liste des démarches exigées par le FMI.

Mais la centrale syndicale, qui reste l’un des corps intermédiaires encore actifs après que le président Kaïs Saïed a écarté la plupart d’entre eux, priorise la mise en œuvre des accords sociaux entérinés précédemment, et une révision des salaires au vu de la dégradation du pouvoir d’achat des Tunisiens.

Les autorités ont bien entendu les revendications répétées de l’UGTT mais sont dans l’incapacité d’y répondre : les caisses de l’État sont vides, sans compter que le changement de régime engagé par le président induit des réformes sociales qui restent floues.

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Dans cette situation inextricable, le gouvernement a choisi de réduire au minimum les confrontations avec les représentants de l’UGTT, et s’est contenté de leur transmettre les directives du président Kaïs Saïed.

Passage en force

La circulaire gouvernementale n°20, qui interdit depuis décembre 2021, à tous les décideurs de la fonction publique d’entamer des négociations, même sectorielles, avec l’UGTT, est symptomatique du climat des discussions. Noureddine Taboubi a beau dénoncer une tentative de passage en force du gouvernement qui aurait élaboré un programme de réformes à soumettre au FMI sans consulter la centrale, rien ne bouge et la tension monte. « La stratégie du fait accompli ne passe pas, elle attise les malentendus et empêche la confiance », déplore un économiste proche du milieu syndical.

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Pour juguler le déficit budgétaire, l’exécutif n’a d’autres recours que de solliciter un FMI de plus en plus exigeant vis-à-vis d’une Tunisie qui, depuis 2011, a promis de nombreuses réformes sans rien réaliser, malgré les fonds décaissés jusqu’en 2018. « N’oublions pas que nous avons sollicité le FMI, et non le contraire », précise Moez Joudi, président de l’Association tunisienne de la gouvernance.

Tous les gouvernements ont achoppé sur la même difficulté : en Tunisie, les réformes, faute de communication, sont perçues comme des sanctions, d’autant qu’elles s’orientent vers un désengagement de l’État. L’UGTT est hostile à ces réformes et plus particulièrement, à leur application sans transition. Elle réclame des augmentations salariales, tout en reconnaissant que « la Tunisie devra chercher des fonds à l’international ».

La rencontre avec Kaïs Saïed le 12 septembre a vraisemblablement permis de décanter la crise entre syndicat et gouvernement. Un accord, qui permet d’envisager une trêve sociale jusqu’en 2023, a été scellé le 15 septembre. L’exécutif a concédé 3,5 % d’augmentation annuelle de salaires du secteur public sur trois ans qui sera servie à compter de la fin de l’année 2023. Pour boucler cette esquisse de dialogue social, les accords précédents restés en suspend seront appliqués, une révision du statut des agents publics sera engagée et l’annulation du prélèvement de la contribution sociale solidaire sera examinée. En contrepartie, l’UGTT ne réclamera pas d’augmentations jusqu’en 2025.

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