Pétrole : le Nigeria perd son statut de premier producteur africain
Le vol de pétrole a fait perdre à la plus grande économie d’Afrique son leadership dans la production de brut sur le continent, au profit de l’Angola. Une nouvelle donne qui ne devrait pas changer de sitôt.
Le niveau le plus bas depuis des décennies et moins de la moitié des taux de production quotidiens d’il y a 10 ans : les chiffres du régulateur nigérian sont sans appel, la production de pétrole du Nigeria décroche, passant en août sous la barre des 1 million de barils par jour (bpj).
>> À lire sur The Africa Report : Nigeria may trail behind Africa’s new top oil exporter Angola
« Le vol de pétrole est un problème récurrent et je ne vois pas de changement dans un avenir prévisible », estime Stephen Brennock, analyste du courtier PVM Oil Associates. « Le pays est clairement coincé dans une ornière et pourrait se trouver à jouer les seconds rôles face à l’Angola pendant un bon moment ».
Depuis 2020, et dans un contexte de crise sécuritaire croissante, la production de pétrole du Nigeria est en baisse. Le vol de pétrole généralisé a fortement plombé les finances de l’État, tant et si bien que le président Muhammadu Buhari a demandé aux agences de sécurité de contenir la situation.
Cartels
Ajoutant l’insulte à l’injure, le syndicat des travailleurs du pétrole nigérians, la Natural Gas Senior Staff Association of Nigeria (Pengassan), menace de se mettre en grève si les autorités ne parviennent pas à endiguer les pillages.
Les employés du secteur pétrolier se disent menacés par des « cartels » qui exploitent les oléoducs du Nigeria à l’aide de méthodes sophistiquées, selon le président de la Pengassan, Festus Osifo, qui affirme qu’un statu quo pourrait pousser l’association à « retirer ses effectifs des sociétés d’exploitation ».
Une grève des travailleurs du pétrole au Nigeria signifierait qu’ « une partie plus grande encore de l’approvisionnement en pétrole est en danger », selon Stephen Brennock. Le secteur pétrolier du pays le plus peuplé d’Afrique, qui souffre de multiples difficultés économiques, représente près de 7 % de son PIB.
Intervention de l’Opep
Les analystes ne sont pas tous d’accord sur la question de savoir si les difficultés du secteur pétrolier nigérian pourraient provoquer une hausse des prix. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février dernier, les prix du pétrole ont grimpé au-dessus de 100 dollars le baril pendant des mois. Les sanctions mondiales imposées à la Russie ont entraîné une réduction massive des exportations du troisième producteur mondial de pétrole.
Depuis le début du mois d’août, les prix ont commencé à passer sous la barre des 100 dollars à mesure que les craintes de récession mondiale montaient, ce qui a pesé sur les prévisions de la demande. L’Opep+ a décidé de réduire la production de pétrole de 100 000 bpj (0,1 % de la demande mondiale) dès octobre, pour faire remonter les prix.
En outre, la reprise de la production de la Libye, qui a dépassé 1,2 million de bpj en août contre 700 000 bpj en juin, après la levée de la force majeure sur les champs pétroliers, fait partie des facteurs qui ont fait baisser les prix ces derniers mois.
Le précédent libyen
La diminution de la production du Nigeria pourrait avoir un effet similaire à ce qui s’est passé en Libye, lorsque les troubles intérieurs se sont répercutés sur le rendement, déclare Matt Smith, analyste chez Kpler. « Une baisse importante de la production, surtout si elle devait se prolonger, entraînerait une hausse des prix », estime-t-il. « Nous avons assisté au même scénario, cette année, en Libye. »
Stephen Brennock quant à lui, n’envisage pas que les problèmes pétroliers du Nigeria changent grand-chose à la situation globale. Éclipsé par des facteurs plus déterminants, comme la possible conclusion d’un nouvel accord nucléaire avec l’Iran ou de nouvelles sanctions contre la Russie, l’effet de la diminution de la production du Nigeria n’est pas d’une importance capitale, selon lui.
« Les volumes concernés ne sont rien comparés à d’autres évolutions majeures de l’offre sur le marché pétrolier, telles que le retour potentiel des barils iraniens, la diminution des volumes russes vers l’Europe et l’arrêt imminent des libérations de la réserve stratégique de pétrole américaine (SPR) », qui a atteint son niveau le plus bas en 37 ans.
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