Le patient ivoirien

Deux ans se sont écoulés depuis la chute de Laurent Gbabo. Le nouvel homme fort d’Abidjan, Alassane Ouattara, s’érige petit à petit en hyperprésident dans une Côte d’Ivoire post-conflit tournée désormais vers sa reconstruction. Le ton est lancé mais les Ivoiriens demeurent sceptiques, comme le montrent les dernières élections locales…

Des affiches appelant au respect et à la tolérance ont fleuri à Abidjan. © Oliver/JA

Des affiches appelant au respect et à la tolérance ont fleuri à Abidjan. © Oliver/JA

Publié le 25 avril 2013 Lecture : 2 minutes.

L’Élysée. 11 avril 2013. Deux ans, jour pour jour, après l’arrestation de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara rend visite à François Hollande. Sarkozy, tombeur de l’enfant de Mama, n’est plus là, mais ADO, à la faveur de la crise malienne, a su nouer une relation forte avec son successeur. Un pied de nez aux partisans de l’ancien dirigeant ivoirien, qui pensent, à tort, que le socialiste était en train d’abandonner le libéral. C’est aussi le symbole d’un pouvoir fort, décomplexé, fier de ses alliances au sommet. 

Hyperprésident d’une Côte d’Ivoire en reconstruction, Ouattara affirme chaque jour davantage son emprise sur un pays qu’il gouverne à grands coups d’ordonnances et de décrets. Ses opposants sont encore en prison ou absents des débats publics, l’Assemblée nationale ne reste qu’une simple chambre d’enregistrement, tandis que les médias d’État chantent les louanges du régime. Les seuls contre-pouvoirs sont à chercher du côté de la société civile ou des organisations des droits de l’homme qui critiquent certaines dérives sécuritaires.

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Depuis la fin de la crise postélectorale, Ouattara et son gouvernement avancent contre vents et marées. « Le président a hérité d’un train qui a déraillé. Il a remis la locomotive sur les rails, mais les wagons ont du mal à suivre », explique un de ses fidèles. Chez les bailleurs de fonds, même son de cloche. « Il faudrait plus de Ouattara et de Duncan, son dévoué Premier ministre, pour remettre le pays sur pied », affirme l’un d’eux. Français et Américains, qui ont concouru à la chute de Gbagbo, ne sont pas prêts à les lâcher. « Il n’y a pas d’alternative, explique un diplomate à Paris. Ce sont les plus à même de réformer, développer l’État et pérenniser l’influence occidentale dans la région. » Quant aux Chinois, aux Sud-Coréens ou aux Indiens, ils lorgnent les juteux marchés de la reconstruction.

Améliorations 

 "Avant, on avait les refondateurs. Maintenant, on a les reconstructeurs."

Économiquement, le pays est revenu à la situation d’avant la crise. Les universités ont rouvert, les hôpitaux sont en cours de réhabilitation, l’armée tente de faire sa mue. La sécurité s’améliore au quotidien, mais reste compliquée à gérer. Dans les ministères, on a refait toutes les matrices de développement. Le scénario est écrit, reste à financer la production. Les bailleurs de fonds sont partants, les gros décaissements devraient arriver à partir de 2014.

« Avant, on avait les refondateurs, plaisantent les Ivoiriens, jamais avares de bons mots. Maintenant, on a les reconstructeurs. » Une critique voilée en direction de la nouvelle classe dirigeante, qui a tendance à copier la précédente, notamment dans son goût immodéré pour le clinquant : Berluti, Cartier, 4×4 rutilants, fréquentation des clubs à cigares.

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Dans un pays où près de un habitant sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté, le sentiment que les fruits de la croissance sont mal répartis demeure. Seront-ils mieux partagés à l’avenir, nous sortiront-ils de notre misère ? Va-t-on sécuriser notre foncier ? Est-ce que l’on va combattre l’impunité et retrouver pleinement la sécurité ? Améliorer la justice sociale ? Telles sont les grandes questions du moment, alors que la faible participation et les violences lors des élections locales du 21 avril ne rassurent personne.

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Par Pascal Airault, envoyé spécial à Abidjan

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