Uber Eats à Paris : des sans-papiers africains se dressent contre l’ubérisation

Plusieurs centaines de livreurs africains ont manifesté, lundi 12 septembre à Paris, contre le siège français de la plateforme américaine Uber Eats qui venait de déconnecter 2 500 comptes jugés frauduleux.

© Damien Glez

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Publié le 14 septembre 2022 Lecture : 2 minutes.

Étrange manifestation aux allures « racialisées », ce 12 septembre, dans la capitale française, les médias nationaux évoquant « des manifestants, tous Africains », quand bien même le sujet de la grogne n’avait pas de lien direct avec une actualité de leur continent. Toute aussi étrange, la mise en lumière volontaire de sans-papiers qui tentent habituellement de se fondre dans le décor. Étrange également, du point de vue du bobo parisien administrativement d’équerre, cette complainte collective de fraudeurs assumés aux papiers d’identité. Étrange monde, enfin, que celui promu et promis par « l’ubérisation » de la société, au rythme d’un refrain en trompe l’œil : « soyez votre propre patron »…

Sous-location d’identités

Livreurs de repas via la plateforme d’origine américaine Uber Eats, nombre des manifestants du jour –500 selon les organisateurs, 350 selon la police–, reconnaissent s’être inscrits comme prestataire avec des papiers d’identité ne leur appartenant pas. La pratique de sous-location des identités ou des comptes est connue, les Caucasiens ayant la réputation de ne pas savoir distinguer un Noir d’un autre, sur une photo, et la dérégulation allant de pair avec la déresponsabilisation de chaque chaînon du processus. Mais les sociétés comme Uber sont sous pression, entre les autorités fiscales françaises qui n’aiment pas l’approximation et des livreurs moins numérisés qui dénoncent une concurrence déloyale, via l’effritement des droits sociaux.

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Après la signature d’une « charte » avec le gouvernement français, la société américaine a commandité à un « prestataire externe » un audit de 60 000 comptes de livreurs. 2 500 profils ont été considérés comme présumés frauduleux et donc suspendus « brutalement », aux dires des manifestants de ce lundi. Ces derniers dénoncent une « hypocrisie », à l’égard d’une pratique qui non seulement paraissait tolérée – la « fragilité sociale » est l’un des ressorts d’embauche dans ces entreprises modernes–, mais permit également à la société française de ne pas tanguer pendant le confinement et ses règles strictes d’approvisionnement individuel.

Pour prolonger le happening de début de semaine, un groupe de plus de 700 livreurs a été créé sur le service de messagerie instantanée Telegram, pour continuer de réclamer la réintégration, voire la régularisation des coursiers bannis. De son côté, Uber Eats tente de rassurer qu’il existe une possibilité d’appel, 3,8% des comptes déconnectés ayant déjà été réactivés. Aussi pointilleuse que soit la société Uber, elle surveille certainement de près le rythme des livraisons qui, par nature et particulièrement sur des produits alimentaires, fonctionnent en flux tendu. Et si l’entreprise considère les coursiers comme interchangeables, le « Goliath » de la livraison rapide a tout de même besoin d’une fourmilière suffisamment fournie de « David » à deux roues…

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