WikiLeaks – Tunisie : Ben Ali et le « génie des Carpathes »
L’ex-président tunisien Ben Ali. © Glez
Le 23 novembre 2007, Robert F. Godec, l’ambassadeur des États-Unis à Tunis, rencontrait Sorin-Mihail Tanasescu, son homologue roumain. « Des parallèles entre Ben Ali et Ceaucescu » : deux ans après la chute de l’ancien président, le titre de ce câble secret daté du 30 novembre 2007 ne surprend guère. Mais le rapprochement entre le raïs tunisien et le dictateur qui se faisait appeler « le génie des Carpathes » était beaucoup moins évident à l’époque. « Bien que nous ne souscrivions pas totalement à ses vues, elles méritent considération », pondère le chef de la représentation américaine. Mais avec le recul, les arguments de Tanasescu ont des accents prophétiques. L’ambassadeur de Roumanie « a dit qu’il avait vécu la fin du régime de Ceaucescu et qu’elle présentait de fortes similitudes avec ce qu’il se passe en ce moment en Tunisie », note Godec. Le culte de la personnalité présidentielle lui semble alors « pire que celui de Ceaucescu, mais toutefois moins insistant que celui du Nord-Coréen Kim Il-sung », une propagande qui, selon lui, révélait « la faiblesse du régime et son anxiété grandissante face à l’opposition ». Autre signe inquiétant, l’inflation, et en particulier « la hausse du prix du pain », qui, rappelait le Roumain, avait déjà déclenché « les émeutes en 1984 » en Tunisie. S’inquiétant de la santé « particulièrement fragile » du raïs, Tanasescu évoque une cérémonie de présentation de lettres de créance où « Ben Ali avait du mal à tenir debout sans s’appuyer à son pupitre ». « Il est vraisemblable que la situation économique et politique se dégradera significativement ces trois prochaines années », prédit l’ambassadeur roumain. Trois ans et vingt-quatre jours plus tard, l’immolation de Mohamed Bouazizi marquait le départ de la révolution…
>> Retour au sommaire du dossier WikiLeaks
