Algérie : comme le lait sur le feu

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 15 avril 2013 Lecture : 2 minutes.

L’enquête que nous consacrons cette semaine à l’Algérie, ce « géant qui a peur de son ombre », a une double vertu. La première, essentielle, est d’embrasser avec un oeil neuf l’ensemble de la situation (politique, économique, sociale) de ce pays si complexe et si méconnu. Ses atouts, ses contradictions, les boulets qu’il traîne, ses échecs mais aussi ses progrès : rien n’échappe à la sagacité de son auteur, Borzou Daragahi, journaliste du Financial Times. Seconde vertu : l’objectivité. Les spécialistes (s’agissant de l’Algérie, ils ne sont pas légion), apprentis barbouzes ou rois de l’intelligence économique, n’y trouveront ni scoop ni information croustillante. Simplement un regard débarrassé des clichés, des poncifs aux douteux relents coloniaux qu’on trouve trop souvent dans la presse française. Du genre : « Quand on voit ce qu’on leur a laissé et ce qu’ils en ont fait. » Air connu. L’auteur manie avec brio l’art de la nuance, refuse la caricature et se garde bien de prêter foi à la rumeur.

Tel un arapède accroché à son rocher, l’Algérie est en quête de stabilité. Mais elle pousse cette quête jusqu’à son paroxysme, érige l’immobilisme et l’opacité en modes de gouvernement. On remet à plus tard la solution des problèmes de fond, on dissimule la poussière sous le tapis, en priant pour que personne ne s’avise de le soulever un jour. Mais comment ne pas voir que ce pays s’apprête à entrer dans une zone de fortes turbulences ? Véritable triangle des Bermudes de la politique, la présidentielle d’avril 2014 ressemble à une bombe à retardement. En Afrique, quand, brisant des lustres d’omerta, les scandales de corruption impliquant des puissants fleurissent de tous côtés, ce n’est jamais très bon signe…

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Les candidats putatifs à El-Mouradia, siège de la présidence ? Il y a les has been ressortant de leur boîte à chaque scrutin… les ex-ténors déboulonnés (Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem)… les islamistes, qui, seuls dans ce cas en Afrique du Nord, ne font plus peur à personne… On s’interroge sur les intentions d’un Bouteflika désespérément muet. On évoque l’hypothèse d’un grand retour d’Ali Benflis, l’ancien Premier ministre, qui seul, pour l’instant, paraît avoir une carte à jouer. On se perd en conjectures sur le rôle que jouera – ou ne jouera pas – l’institution militaire. Bien malin celui qui se hasarderait à prédire l’avenir.

Seule certitude, il faudra beaucoup de courage et d’abnégation aux aspirants présidents. Comme nous le confie un haut responsable, le pessimisme est de rigueur. Perte des valeurs essentielles (respect, travail, sens de l’intérêt général), prolifération de la corruption, rejet de la classe politique, faillite du système éducatif… Même en prenant l’ensemble de ces problèmes à bras-le-corps, il faudra au moins deux générations pour réparer les dégâts, estime-t-il. Voilà qui promet !

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