Algérie : « Le Repenti » de Merzak Allouache, entre vérité et réconciliation
Comment vivre de nouveau ensemble après l’horreur ? Merzak Allouache évoque avec talent les défis de l’Algérie.
En plein hiver par – 10 °C, parfois dans la neige, dans une région montagneuse près de Béchar, au sud-ouest d’Alger, le tournage s’est déroulé dans des conditions plutôt difficiles. À tel point que les acteurs du film étaient encore marqués par cette rude expérience plusieurs mois après, quand ils étaient venus présenter Le Repenti sous un magnifique soleil au dernier Festival de Cannes, où il a été primé par la Quinzaine des réalisateurs. Il est vrai que le dernier long-métrage de Merzak Allouache raconte lui-même une histoire des plus éprouvantes.
L’idée du film a germé longtemps dans l’esprit du réalisateur. Il avait été frappé en 1999, de retour au pays après sept années d’absence forcée, par l’ambiance optimiste et quelque peu irréelle qui régnait en Algérie après l’adoption d’une politique de « concorde civile ». Celle-ci devait conduire à l’apaisement, sinon à l’arrêt définitif, de la violence en autorisant les islamistes partis au maquis à se réinsérer dans la société s’ils affirmaient n’avoir pas de sang sur les mains. Mais, comment, après tous les massacres et les attentats qui avaient endeuillé tant de familles, serait-il possible de vivre à nouveau avec ces « repentis », comme on les avait nommés ? Surtout si leur repentance n’était pas aussi évidente qu’ils l’affirmaient.
Lucidité
Le film évoque ainsi, à partir d’un fait réel, comment l’un de ces repentis, Rachid, contacte un pharmacien et sa femme, Lakhdar et Djamila, pour leur proposer un horrible marché : retrouver le cadavre de leur fille enlevée, maltraitée et tuée quelques années plus tôt par le groupe d’islamistes armés auquel il appartenait, en échange d’une « récompense ». Tous trois partent donc ensemble dans la montagne.
Avec cette histoire tragique, le plus prolifique des cinéastes maghrébins démontre une fois de plus avec talent sa détermination à explorer l’histoire contemporaine de son pays et les évolutions de la société algérienne en grattant de préférence là où ça fait mal. Ce qui lui vaut parfois d’être mis en accusation par certains de ses compatriotes. Comme si le fait de jeter un regard critique mais lucide sur la réalité pouvait être confondu avec une propension à ne pas aimer sa terre natale. Le cinéaste, heureusement, n’en a cure et poursuit son chemin. Avec des films qui ne sont pas tous des réussites totales mais qui, bien souvent, de la comédie culte Omar Gatlato en 1977 aux longs-métrages plus « engagés » comme Bab El Oued City en 1994 ou aujourd’hui Le Repenti, resteront comme des oeuvres marquantes.
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