France : Nicolas Sarkozy cerné par les affaires

Le retour en politique de l’ancien président peut-il être contrarié par les nombreuses difficultés judiciaires auxquelles il est confronté ? D’après les sondages, la majorité de ses compatriotes n’y croient pas une seconde.

L’ancien président Nicolas Sarkozy © AFP

L’ancien président Nicolas Sarkozy © AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 11 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

En théorie, la situation est idéale pour Nicolas Sarkozy, qui, depuis son échec électoral de 2012, caresse l’idée d’un « retour de l’île d’Elbe ». À en croire tous ses visiteurs, il est « comme un lion en cage » et dévore avec avidité les notes sur les convulsions politiques du moment que lui concoctent ses experts. Oh ! certes, certaines de ses groupies s’appliquent à le décrire comme las de la politique. C’est le cas d’Henri Guaino, qui croit savoir qu’il n’est pas « dans l’état d’esprit de revenir ». Mais d’autres, comme Bernadette Chirac ou le publicitaire Jacques Séguéla, appellent son retour à cor et à cri.

Dans l’affaire Tapie, peut-il être inculpé de complicité de détournement de fonds publics ?

Alors, retour ou pas ? Les scénarios imaginés par le mari de Carla Bruni sont les suivants :

  1. François Hollande est un président « médiocre » au coeur d’un pouvoir tout juste capable de faire « pleuvoir à verse les conneries ». Du coup, il se transforme malgré lui en un « formidable agent de communication » au bénéfice de son prédécesseur. La trop grande « normalité » de l’un changerait rétrospectivement l’hyperactivité passée de l’autre en un modèle de gouvernance. Si l’on en croit les sondages, calamiteux pour l’actuel chef de l’État, et les ravages de l’affaire Cahuzac, l’hypothèse commence à être validée.
  2. Les résultats des élections municipales de 2014 seront, à l’évidence, mauvais pour la gauche, sans être pour autant excellents pour la droite, qui devra composer avec un Front national en pleine forme.
  3. Pour empêcher un face-à-face Hollande-Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017, le seul recours de la droite, ce sera lui, Sarkozy. « Sans moi, ils ne gagneront pas », confie-t-il à qui veut l’entendre. Il en est convaincu : François Fillon, son ancien Premier ministre, et Jean-François Copé, le patron de l’UMP, ne sont pas d’un « calibre » suffisant pour prétendre l’emporter.
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Seulement voilà, l’ancien président ne pourra revenir à l’Élysée qu’au terme d’une course d’obstacles dont son image pourrait ne pas sortir intacte.

Le premier obstacle n’est pas le pire. Il s’agit du rejet, en décembre 2012, des comptes de sa campagne présidentielle par la commission nationale ad hoc. Comme Sarkozy a fait appel devant le Conseil constitutionnel, on en ignore les motifs, mais il semble que la commission ait réintégré des frais de déplacements et des rémunérations de collaborateurs dans les comptes du candidat. Le Conseil constitutionnel s’intéressera-t-il aux sondages (coût total : 1,3 million d’euros) commandés par l’Élysée quelques mois avant le début de la campagne ? Dans le pire des cas, si le Conseil validait le refus, l’UMP perdrait 11 millions d’euros de remboursements. Pas si grave.

Le deuxième obstacle, c’est « l’affaire Karachi ». On sait que deux juges d’instruction s’efforcent d’établir s’il existe un lien entre l’attentat qui, le 8 mai 2002, tua onze ingénieurs et techniciens français au Pakistan et le financement de la campagne électorale d’Édouard Balladur, en 1995. À l’époque ministre du Budget, Sarkozy était aussi le porte-parole de ladite campagne. Il avait autorisé la création d’une société offshore chargée de gérer les rétrocommissions (légales à l’époque) d’un contrat de livraison de sous-marins. Une enquête est en cours pour savoir s’il s’est rendu complice, en 2011, d’une violation du secret de l’instruction en diffusant un communiqué sur l’affaire. Pour l’instant, pas de quoi fouetter un chat.

Contentieux

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Troisième obstacle, plus redoutable : l’affaire Tapie. Deux juges d’instruction enquêtent sur la décision prise en 2007 par Christine Lagarde, alors ministre des Finances, de confier à des arbitres le contentieux opposant Bernard Tapie au Crédit lyonnais à propos de la vente d’Adidas. Plus de 400 millions d’euros ayant finalement été versés à Tapie, Sarkozy peut-il être inculpé de complicité de détournement de fonds publics ? Des perquisitions ont eu lieu au domicile de Lagarde, mais aussi à ceux des trois arbitres et de Claude Guéant, son plus proche collaborateur, qui a interféré dans les négociations fiscales menées par Tapie. Entre 2007 et 2010, ce dernier a rencontré Sarkozy à dix-huit reprises, à l’Élysée. Deux proches de l’ancien président ont été mis en examen.

Quatrième obstacle : l’affaire Kadhafi. Là encore, des perquisitions ont eu lieu chez Guéant pour vérifier les déclarations de Bachir Saleh, l’ancien directeur de cabinet du dictateur libyen, et de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, négociateur avec certains pays arabes. Selon les deux hommes, une cinquantaine de millions d’euros auraient été versés par le pouvoir libyen – « en liasses de billets » – pour le financement de la campagne de Sarkozy en 2007.

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Cinquième obstacle : l’affaire Liliane Bettencourt. À sa grande fureur, l’ancien président a été mis en examen le 21 mars par le juge Jean-Michel Gentil pour « abus de faiblesse » au détriment de la femme la plus riche d’Europe, qui n’a plus toute sa tête. Le magistrat veut savoir si, comme il le prétend, il ne s’est rendu qu’une seule fois, en février 2007, au domicile des Bettencourt pour une visite de courtoisie à monsieur (André, décédé la même année) ; ou bien s’il a menti et rencontré à plusieurs reprises Liliane et André, chaque fois peu après que le couple eut procédé à d’importants retraits d’argent en liquide, que plusieurs témoins affirment avoir été destinés à Sarkozy. Le chiffre de 4 millions d’euros est avancé.

Si l’on en croit un sondage BVA/Le Parisien du 24 mars, 63 % des Français sont convaincus que cette mise en examen n’empêchera pas l’ancien président de revenir en politique.

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