Dubaï : opération séduction pour l’exposition universelle de 2020

Candidat à l’organisation de l’Exposition universelle de 2020, l’émirat a lancé une vaste campagne de promotion, notamment en direction des pays africains, dont le soutien pourrait se révéler décisif.

Thème choisi : « Connecter les esprits, construire le futur ». © DR

Thème choisi : « Connecter les esprits, construire le futur ». © DR

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Publié le 17 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

Depuis 1851, les expositions universelles se suivent et ne se ressemblent pas – offrant avec régularité aux yeux du monde une carte postale colorée de ce que chaque pays voudrait être ou de la manière dont il aimerait être perçu. En choisissant le thème général de la manifestation, le pays hôte donne le la. Et s’il sera jugé – financièrement et médiatiquement – sur la qualité de son organisation, il sait que l’Histoire retiendra surtout la pertinence du thème choisi. La première exposition, à Londres, proposait sans surprise « Industrie de toutes les nations ». Celle de Bruxelles, en 1935, « Les transports, la colonisation » ; celle d’Osaka, en 1970, « Progrès humain dans l’harmonie » ; et celle de 2010, à Shanghai, « Meilleure ville, meilleure vie ».

En compétition pour l’édition 2020, l’émirat de Dubaï propose de mettre en avant son rôle de hub international avec le slogan « Connecter les esprits, construire le futur ». Une approche qui, selon les organisateurs, « a été inspirée par Son Altesse Cheikh Khalifa Ibn Zayed Al Nahyan, président des Émirats arabes unis (EAU), et reflète la vision de Son Altesse Cheikh Mohammed Ibn Rached Al Maktoum, vice-président des EAU, Premier ministre et émir de Dubaï ». Une exposition universelle dans cette monarchie constitutionnelle serait une première dans la région. Même si Israël a accueilli deux expositions spécialisées en 1953 et en 1956, l’Occident a depuis longtemps le monopole du concept.

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Hub parfait

À la fin du mois de novembre 2013, quelque 160 États membres se prononceront lors d’une assemblée générale du Bureau international des expositions (BIE) pour départager les villes d’Izmir (Turquie), Ayuthya (Thaïlande), São Paulo (Brésil), Iekaterinbourg (Russie) et Dubaï (EAU). Dans la perspective de ce vote, l’émirat a revêtu ses plus élégantes dishdasha [habits traditionnels masculins, NDLR] et lancé une vaste opération séduction. Notamment en direction de l’Afrique. Il y a tout intérêt : noeud de communication sur les principales routes commerciales reliant l’Asie du Sud à l’Afrique et à l’Europe, c’est sur le continent qu’il pourra recueillir un maximum de voix.

Guère étonnant, donc, que les principaux ambassadeurs de Dubaï expo 2020 soient les fleurons commerciaux des EAU tels que la compagnie aérienne Emirates et le troisième opérateur portuaire mondial, Dubai Ports World, associés à des entreprises comme Dubai Airports (aéroport), Etisalat (téléphonie), Emirates NBD (banque) et Jumeirah (hôtellerie).

Une exposition universelle dans cette monarchie constitutionnelle serait une première dans la région.

Chez Emirates et chez DP World, les responsables des opérations africaines, Jean-Luc Grillet et Joost Kruijning, portent bien sûr au revers de la veste le pin’s orné du logo bleu « inspiré par les thèmes historiques de la géométrie arabe » qui serait le symbole de l’exposition 2020. Avec une faconde toute française, Grillet enfile avec aisance le costume de VRP : « L’Afrique est un marché très important pour Emirates : en 2013, c’est là que la croissance sera la plus forte. Il y a vingt ans, les principaux flux obéissaient à une logique Nord-Sud. Ils sont aujourd’hui orientés Est-Ouest, et Dubaï est le hub parfait pour relier l’Afrique à l’Asie. » Chiffres à l’appui, il détaille la « success-story » du développement des lignes d’Emirates vers l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Zimbabwe ou l’Algérie, souligne l’intérêt croissant pour le continent des voyageurs malais, indiens, indonésiens, philippins, coréens, japonais ou australiens, insiste sur les « 7 500 employés africains » de la compagnie… Avec en toile de fond les grues et les milliers de conteneurs du port de Jebel Ali, Kruijning détaille pour sa part en mode PowerPoint les activités de DP World sur le continent, entamées en 2000. Outre la gestion des terminaux en Algérie, à Djibouti, au Mozambique et au Sénégal, DP World propose aussi ses services dans plusieurs ports d’Afrique du Sud.

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Forum

Dubaï ne se contente pas de ces acquis pour alimenter son lobbying auprès de l’Afrique. La chambre de commerce de la ville organise ainsi, début mai, l’Africa Global Business Forum en partenariat avec le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) afin de développer les réseaux entre décideurs du monde des affaires. Quant à la culture, elle n’est pas oubliée : tous frais payés – ce qui est rarement le cas dans de telles manifestations -, cinq centres d’art contemporain de l’Afrique de l’Ouest étaient les invités de la foire Art Dubai 2013 !

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Disposant d’un site de 438 ha – le Dubai World Trade Centre-Jebel Ali, à mi-distance d’Abou Dhabi et de Dubaï – pour installer sa future expo, d’infrastructures de qualité et de moyens, Dubaï a de quoi séduire en Afrique et au-delà. Mais en attirant les regards du monde, l’émirat doit aussi s’attendre à être interpellé – ce qu’il n’aime guère – sur la manière dont il traite ses nombreux travailleurs étrangers, qui ne bénéficient ni de la climatisation ni d’un droit du travail digne de ce nom…

Génie… Et zoo humains

Les expositions universelles existent depuis 1851, et leur organisation est réglementée depuis 1928, année de la création du Bureau international des expositions (BIE). La plupart des États qui y participent cherchent à célébrer le génie humain, le progrès et, souvent, le commerce et le capitalisme. Shanghai (Chine) a accueilli la dernière en 2010, la prochaine aura lieu à Milan (« Nourrir la planète, énergie pour la vie ») en 2015. Celles de 1889 (« La Révolution française ») et de 1900 (« Le bilan d’un siècle ») à Paris sont restées célèbres… pour leur « village nègre » et leur « diorama vivant » consacré à Madagascar. Tout comme celle de 1958 (« Bilan du monde pour un monde plus humain »), au cours de laquelle un « village congolais » fut reconstitué à Bruxelles. N.M.

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