Centrafrique : mais qu’allaient faire les Sud-Africains dans cette galère ?

Dans la région de Bangui, les rebelles de la Séléka ont mis les Sud-Africains en déroute. Une claque pour le président Zuma, qui, en aidant son ami Bozizé, espérait de généreuses contreparties.

Base militaire de Pretoria, le 28 mars. © AFP

Base militaire de Pretoria, le 28 mars. © AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 16 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Un accord de défense, puis 300 soldats sud-africains envoyés à Bangui… Entre Jacob Zuma et François Bozizé, les liens étaient forts. La preuve, ce voyage express du président centrafricain à Pretoria, deux jours avant sa chute. Bozizé voulait s’assurer que Zuma ne le lâcherait pas. De fait, le 23 mars, entre Damara et Bangui, les Sud-Africains se sont battus courageusement, mais, à un contre dix, ils ont été submergés par les rebelles de la Séléka et ont essuyé de lourdes pertes. À l’heure des comptes, l’opinion sud-africaine veut savoir pourquoi le président Zuma a engagé les boys dans cette aventure.

Est-ce uniquement pour des raisons mercantiles ? C’est ce que laisse entendre la presse sud-africaine. Le Mail and Guardian affirme, par exemple, que le Chancellor House, un holding financier du Congrès national africain (ANC), a négocié avec le pouvoir centrafricain l’accès à ses mines de diamant. Et il n’y a pas que les pierres précieuses : l’an dernier, la compagnie pétrolière Dig Oil, dirigée par la femme d’affaires sud-africaine Andrea Brown, a décroché un permis d’exploration sur un bloc très prometteur au sud-ouest de Bangui, à la frontière du Congo-Brazzaville et du Cameroun. En échange, François Bozizé voulait du cash et des armes.

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Intrigues de cour

Au coeur de ces négociations, un quarteron. D’abord, Jean-Francis Bozizé, fils du chef de l’État et ministre de la Défense (à Pretoria, il avait un accès direct au bureau de Jacob Zuma). Et puis trois hommes d’affaires rompus à toutes les intrigues de cour : le Congolais (de Brazzaville) Didier Pereira, installé en Afrique du Sud depuis plus de dix ans, le Franco-Israélien Philippe Solomon, basé à Tel-Aviv avec le titre de consul honoraire de Centrafrique, et le Rwandais Fabien Singaye, ex-diplomate sous le régime d’Habyarimana et ex-interprète du juge Bruguière dans l’enquête sur l’attentat de Kigali.

Mais l’Afrique du Sud n’était pas seulement intéressée par le sous-sol centrafricain. Loin de là. Il y a dix ans déjà, à l’issue des accords intercongolais de Sun City, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, une certaine Nkosazana Dlamini-Zuma, était venue voir François Bozizé à Bangui pour s’assurer que la Centrafrique ne servirait pas de base arrière au rebelle Jean-Pierre Bemba. Les liens de confiance se sont ensuite renforcés dans le plus grand secret. En avril 2008, quand les dockers de Durban ont refusé de décharger un bateau chinois rempli d’armes à destination du Zimbabwe, le navire a continué sa route vers Luanda, où le stock a été discrètement débarqué. Et de là, pour brouiller les pistes, des avions-cargos auraient acheminé les armes jusqu’à Harare en passant par… Bangui. Les pro-Mugabe de l’ANC ne l’ont jamais oublié. Le président angolais non plus. Le 27 mars, lors du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Durban, José Eduardo dos Santos a exhorté ses pairs africains à ne pas reconnaître les putschistes de la Séléka.

À partir de 2008, c’est donc une alliance stratégique qui s’est nouée entre Pretoria et Bangui. L’ANC voulait chasser les Français de l’un de leurs bastions d’Afrique centrale ; et François Bozizé, sortir de l’étreinte étouffante de son « ami » tchadien Idriss Déby Itno. D’ailleurs, dans sa garde présidentielle, François Bozizé a remplacé progressivement les Tchadiens par des Sud-Africains. Le problème, c’est que cette alliance a rendu Bozizé trop sûr de lui. Après l’accord de Libreville du 11 janvier, il n’a pas vraiment partagé le pouvoir. Et finalement, ses « amis » de la sous-région lui ont fait payer son incartade sud-africaine.

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