Afrique : les nouveaux francs-maçons
Les « nouveaux francs-maçons » africains voudraient emprunter une voie différente à celle de leurs aînés. Une voie qui passe notamment par la bonne gouvernance et le respect des droits humains, suivant le modèle tracé par Félix Éboué, Blaise Diagne, l’émir Abdelkader ou encore Victor Schoelcher… La révolution est en marche sur le continent.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 15 avril 2013 Lecture : 3 minutes.
Enquête : les nouveaux francs-maçons
Beaucoup de maçons, bien peu de maçonnerie. Au regard de la dernière crise centrafricaine, la fraternité sous le maillet des vénérables triponctués d’Afrique centrale apparaît plus que jamais illusoire. Denis Sassou Nguesso, Ali Bongo Ondimba, Idriss Déby Itno et François Bozizé ont beau appartenir à cet ordre initiatique prônant la solidarité entre ses membres, cela ne les a pas empêchés de lâcher le dernier nommé, confronté à une rébellion, voire, pour l’un d’entre eux, de lui administrer le coup de grâce.
>> À lire : notre enquête sur les nouveaux franc-maçons
Il est vrai que l’ex-président centrafricain, entré chez les « frères trois points » sous la houlette de son homologue congolais (lequel a également parrainé le chef de l’État tchadien), est un franc-maçon du genre têtu. « J’ai tout essayé avec lui, mais son obstination à n’en faire qu’à sa tête a été la plus forte », confie un ministre franc-maçon de la région qui joua longtemps le rôle de médiateur entre le maître de Bangui et son opposition avant de rendre son tablier. « Et puis, à tort ou à raison, certains d’entre nous n’ont jamais pardonné à Bozizé la disparition en 2010 de notre frère Charles Massi, qu’Omar Bongo avait pris sous son aile. » Si François Bozizé pensait que l’adhésion à la franc-maçonnerie équivalait à souscrire une assurance-vie pour le pouvoir, il a donc eu tort. D’autant que, sur les rives de l’Oubangui, la continuité semble assurée. Le président autoproclamé, Michel Djotodia, n’est certes pas maçon – tout au moins pas encore -, mais le Premier ministre Nicolas Tiangaye, le ministre d’État Crépin Mboli-Goumba et un ou deux autres membres du nouveau gouvernement sont familiers des loges et des obédiences. Nul doute que, dans les mois à venir, la relève va prendre du volume.
Fraternité désinhibée
En Afrique francophone, la franc-maçonnerie est un phénix : elle renaît toujours des cendres de ses échecs. En Centrafrique, mais aussi à Madagascar, en Côte d’Ivoire, au Togo, au Tchad et, bien sûr, au Congo-Brazzaville, où le sanglant duel des initiés, en 1997, est encore présent dans toutes les mémoires, l’incapacité de cette institution à régler les conflits dans le secret des temples n’a jamais entamé la fascination qu’elle exerce sur le commun des élites. Une attraction en partie liée au constant renouvellement des relais français haut placés, perçus comme autant de sésames. À Paris, où le Grand Orient a le vent en poupe depuis l’élection de François Hollande, chacun sait ainsi (ou croit savoir) que les ministres Manuel Valls et Jean-Yves Le Drian, mais aussi les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat Claude Bartolone et Jean-Pierre Bel, des personnalités socialistes influentes comme Élisabeth Guigou, Jean-Marie Le Guen, François Rebsamen et même Jean-Luc Mélenchon revêtent le tablier avec plus ou moins d’assiduité.
Pourtant, depuis un ou deux ans, un mouvement se dessine sur le continent, vers une sorte de retour aux sources et de purification de la franc-maçonnerie africaine. De plus en plus critiques à l’encontre de leurs frères puissants dont ils pointent les compromissions de profanes, des francs-maçons « d’en bas », jeunes cadres, intellectuels, femmes et hommes, prônent une maçonnerie débarrassée des miasmes de la Françafrique et de ces pollutions collatérales que sont le fétichisme, la sorcellerie et les pratiques amorales. Ces « nouveaux francs-maçons » recherchent une fraternité désinhibée, soucieuse avant tout de bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme, où ésotérisme rime avec progrès, où la sagesse ancestrale retrouve sa place au milieu du village. Les vrais successeurs de Félix Éboué, de Blaise Diagne, de l’émir Abdelkader ou de Victor Schoelcher ne sont certes pas encore connus. Mais ils ne vont pas tarder à secouer les piliers du temple…
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Par François Soudan
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