Centrafrique : François Bozizé, loin de Bangui

Réfugié au Cameroun et alors que le Bénin s’apprêtait à l’accueillir, l’ex-président centrafricain ne désespérait pas malgré tout de rentrer au pays. J.A. l’a rencontré dans sa suite de l’hôtel Hilton, à Yaoundé.

François Bozizé, le 30 décembre 2012. © AFP

François Bozizé, le 30 décembre 2012. © AFP

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Publié le 8 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Ce 3 avril au soir, François Bozizé reçoit ses visiteurs dans la pénombre de sa suite du Hilton de Yaoundé, l’air préoccupé. À plusieurs reprises, il s’enquiert du sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), qui se tient à N’Djamena. Les chefs d’État de la sous-région y discutent de l’avenir de la Centrafrique, son pays. Sans lui. Pourtant, Paul Biya avait mis un avion à sa disposition. « J’ai exprimé au médiateur [Denis Sassou Nguesso, NDLR] mon désir de faire le voyage pour y participer, explique le président renversé le 24 mars. Il n’y a pas vu d’inconvénient. Mais le Tchad a estimé qu’il n’était pas prêt à m’accueillir. » En costume sombre, assis sur un grand canapé, Bozizé ne montre aucun signe d’épuisement physique ou moral. Mais il semble si seul au milieu de cette pièce… Seul comme un homme qui se sent trahi par des proches et lâché par ses homologues de la sous-région, à l’exception de l’Équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema (« c’est un complot contre toi », lui a soufflé ce dernier) et du Camerounais Paul Biya, qui s’est abstenu de se rendre au sommet de la CEEAC et s’est fait représenter par Amadou Ali, son vice-Premier ministre.

>> Lire l’interview de François Bozizé : "Je ne me reproche rien"

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Coup de fil

Affligé mais combatif, le chef déchu ne semble pas près de renoncer. Certes, le sommet de N’Djamena a « légalisé » le coup d’État de Michel Djotodia en préconisant la création d’un conseil national et d’un organe législatif censés gérer une transition de dix-huit mois, même si les chefs d’État ont refusé de reconnaître Djotodia comme président autoproclamé. De Yaoundé, Bozizé appelle à la tenue d’une conférence nationale réunissant Centrafricains et partenaires internationaux. Il demande aussi que la sécurité de la population soit assurée par les armées française et sud-africaine. Pendant que son fils raconte les pillages et les violences qui ont touché plusieurs villes, il se tait, le regard vague.

Depuis son arrivée dans cet hôtel le 25 mars, l’ex-chef de l’État n’est sorti que deux fois de la suite 930. Le dimanche de Pâques, pour aller prier au monastère des Bénédictins-du-Mont-Fébé, sur les hauteurs de Yaoundé. Et le 2 avril, pour se rendre au palais d’Etoudi, où Paul Biya l’a reçu pendant plus d’une heure. Hissène Habré et Ange-Félix Patassé, qui, lors de leur fuite, avaient transité par Yaoundé, n’avaient pas bénéficié de pareil traitement de faveur. Dès leur arrivée, on les avait informés du caractère provisoire de leur séjour, leur enjoignant de ne pas s’exprimer dans les médias. Et aucun d’eux n’avait eu droit au moindre coup de fil de Biya. Bozizé, lui, pourrait s’établir au Cameroun s’il le souhaitait. Alors que les chefs d’État d’Afrique centrale ont encouragé le Béninois Thomas Boni Yayi à répondre favorablement à une éventuelle demande d’asile que pourrait lui adresser Bozizé, le président camerounais aurait suggéré à ses collaborateurs d’installer la famille dans la ville balnéaire anglophone de Limbé (Ouest).

Pour l’heure, Bozizé suit de près l’évolution de la situation à Bangui. Les militaires camerounais de la Sécurité présidentielle se font discrets, mais nul n’entre dans ses appartements sans être passé au détecteur de métaux et avoir subi des contrôles très stricts. Son fils Socrate, député à l’Assemblée nationale dissoute par les rebelles, ne le quitte pas d’une semelle. Au détour d’un couloir, on aperçoit son épouse, ses enfants et quelques petits-enfants. Celui qui n’exclut pas de se présenter à la prochaine présidentielle ne veut pas croire une seconde que son avenir est derrière lui.

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