Il reste une oasis en Tunisie…

Fawzia Zouria

Publié le 3 avril 2013 Lecture : 2 minutes.

Il était une fois, un homme bon et généreux, qui aimait sa ville plus que tout. Tozeur, une oasis du Sud tunisien comparée à « l’horreur » par les scribes de jadis – ceux des années 1980 -, devint, sous son règne (1995-2010), un coin de paradis que l’on baptisa la Perle du désert. Usant de ses fonctions de maire, l’homme assura l’essor économique de la cité, décrocha pour elle le prix de la « ville la plus propre de Tunisie », un label accordé pour le respect des règles urbanistiques et de l’écosystème. Surtout, il en fit la plaque tournante du tourisme saharien et la destination favorite des grands de ce monde (rois, présidents et grandes stars), même une fois leur mandat terminé ou leur gloire évanouie.

Un jour vint la révolution. Abderrazak Cheraït, notre héros, dut subir la hargne, la rébellion et le fameux « dégage ! ». Il abandonna les hôtels et les parcs à thème qu’il avait bâtis sur ses propres deniers pour se replier sur Tunis. Avait-il jeté l’éponge ? C’était mal connaître ce septuagénaire qui, en décembre 2012, se mit en tête de lancer, sur la principale avenue de la capitale, une campagne visant à sensibiliser les passants aux charmes de sa région et à annoncer la création d’une « Association des amis du Djerid ». Et le voilà qui débarque dans la palmeraie après deux ans d’absence. À la population en liesse qui le porte sur les épaules, il fait prononcer ce serment : « Nous jurons devant Allah que nous mettrons tous nos efforts et tairons nos différends pour sauver le Djerid ! » Avouez que dans le contexte local, ça change de ceux qui jurent de convertir tout un peuple au wahhabisme !

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Le 23 mars dernier, l’ex-maire tient sa promesse et revient accompagné de ses « Amis du Djerid » : des natifs de Tozeur, Nefta et des environs, des sympathisants, des entrepreneurs tunisiens et étrangers qui n’hésitent pas à sortir leurs chéquiers pour soutenir les projets de jeunes novateurs. Tout le monde aura mis la main à la pâte, sauf les autorités, fantomatiques, inexistantes, un vrai mirage ! N’empêche, ce jour-là, bruits et fureurs postrévolutionnaires se sont tus. Tunis s’est éloigné, avec ses querelles idéologiques et ses accès d’insécurité, son Assemblée constituante qui ressemble à une école de cirque, ses blogueurs planqués derrière leurs écrans. La ville de Tozeur, fort heureusement épargnée par les violences et dont les salafistes n’ont jamais pu occuper les mosquées principales, s’est remise à vivre : les avions sont pleins, les hôtels aussi ; les calèches battent le pavé et le chanteur algérien Rachid Taha, venu pour l’occasion, fait se déhancher les jeunes jusque tard dans la nuit. Pour quelques jours seulement ? Peut-être. Mais l’initiative est belle, et cette « leçon de Tozeur » devrait inspirer d’autres régions de la Tunisie : elle enseigne que la société civile, ce n’est pas seulement la mobilisation de rue ou les incessants discours d’indignation, mais aussi la force de toute une province quand elle se lève comme un seul homme pour prendre son destin en main.

Dans ce sens, Cheraït aura fait de Tozeur le seul lieu où rêver à une issue heureuse pour la Tunisie devient chose possible, comme dans les contes. 

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