Mathias Hounkpè : « L’ancienne génération est dépassée, la nouvelle pas encore prête »
Alors que les élections locales prévues en avril sont reportées à la fin de l’année, le politologue béninois revient sur les raisons du déclin des principaux partis du pays.
Bénin : la course contre la montre
Jeune Afrique : Que reste-t-il de la Conférence nationale ?
Mathias Hounkpè : Au quotidien, pas grand-chose. Et cela se comprend. En 1990, la Conférence nationale est intervenue à un moment particulier de l’histoire du pays, où toutes les forces politiques poursuivaient un même objectif : l’instauration de la démocratie. C’est pour cela que l’on ne s’y réfère que lorsqu’il y a des tensions, pour rappeler à chacun que l’unité est possible malgré les divergences d’opinion.
Y a-t-il encore une opposition ?
Oui, même si elle s’est réduite comme peau de chagrin, que les opposants font pour le moment profil bas et que les formations historiques sont sur le déclin.
Peut-on expliquer ce déclin par une crise de confiance entre les Béninois et la classe politique ?
On était déjà parvenu à cette conclusion lors de l’élection de Thomas Boni Yayi, en 2006, quand les électeurs ont choisi un parfait inconnu au lieu des poids lourds qu’ils connaissaient depuis de nombreuses années.
Mais le manque de confiance n’explique pas tout. Avant, la politique reposait sur des figures dominantes – Mathieu Kérékou, Bruno Amoussou, Nicéphore Soglo ou Adrien Houngbédji -, qui avaient pour seul objectif la présidence. Aujourd’hui, avec la limitation d’âge, ils ne peuvent plus se présenter à la présidentielle mais n’ont pas su passer le flambeau à la nouvelle génération. Résultat des courses, pour peu que les jeunes aient un peu de puissance financière, ils quittent leur parti pour créer leur propre formation, et l’on assiste à un morcellement de grands partis.
Les scrutins locaux seront un très bon baromètre pour savoir qui vaut quoi.
Ensuite, il y a le facteur Boni Yayi. C’est son deuxième et dernier mandat, alors, au lieu de le rudoyer, on préfère le ménager. Les politiques se disent qu’à défaut d’obtenir son soutien il vaut mieux y aller en douceur pour éviter qu’il ne soit tenté de leur mettre des bâtons dans les roues. Nous assisterons même dans quelque temps à des mésalliances, dont le seul objectif sera la présidentielle.
Les communales et les municipales vont-elles contribuer à redistribuer les cartes ?
Absolument, c’est un très bon baromètre pour savoir qui vaut quoi sur le terrain. Les locales de 2008, par exemple, ont consacré l’affaiblissement des grandes formations. À la fin des années 1990, dans le Zou, la RB [Renaissance du Bénin, de la famille Soglo, NDLR] avait 27 députés, et, aux législatives de 2011, elle n’en a obtenu que 3. Idem pour le PSD [Parti social démocrate, de Bruno Amoussou], qui, dans le Mono-Couffo, est passé d’une dizaine de députés à 2 ou 3. Donc, oui, les locales permettront à chacun d’y voir un peu plus clair et de mettre au point une stratégie pour 2016.
Ces derniers mois, plusieurs ministres ont été interpellés, le Parlement a donné son feu vert à l’ouverture d’enquêtes… Est-ce que la lutte contre la corruption dont Boni Yayi avait fait son cheval de bataille en 2011 a vraiment commencé ?
Le chef de l’État veut laisser son empreinte, que les Béninois disent après son départ : « Voilà ce qu’il a laissé. » Sur le front des réformes (port, administration…), il n’est pas sûr qu’elles aboutissent avant 2016, alors il s’attaque à l’enrichissement illicite. Pourra-t-il atteindre son objectif sans sacrifier certains de ses proches ? Aura-t-il le courage d’aller jusqu’au bout ? Seul l’avenir nous le dira.
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Propos recueillis par Malika Groga-Bada
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