Guy Artiges : « Le juge Bruguière a mal travaillé »

Dès 1994, le gendarme belge, Guy Artiges, a enquêté sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. Ses conclusions sont bien différentes de celles du magistrat parisien Jean-Louis Bruguière.

Le juge français Jean-Louis Bruguière en 2009. © AFP

Le juge français Jean-Louis Bruguière en 2009. © AFP

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Publié le 9 avril 2013 Lecture : 2 minutes.

Dès fin avril 1994, le gendarme Guy Artiges a enquêté sur l’attentat pour le compte de l’auditorat militaire belge, le service judiciaire des armées. Il est alors chargé d’éclaircir les conditions dans lesquelles dix Casques bleus belges ont été assassinés par des militaires rwandais le 7 avril. Audition après audition, en Belgique puis au Rwanda, toutes les informations vont dans le même sens : l’assassinat du président Habyarimana a été organisé par son propre camp.

Jeune Afrique : Au cours de votre enquête, avez-vous recueilli des indices montrant que l’un des deux camps avait connaissance à l’avance de l’attentat ?

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Guy Artiges : Un certain nombre de témoignages montrent clairement qu’au sein de l’armée rwandaise on savait que quelque chose se préparait. Des bruits couraient avec insistance. J’ai personnellement auditionné des personnes à qui des militaires ou des gendarmes hutus avaient dit ce jour-là : « Rentrez chez vous, il va se passer quelque chose de grave ce soir. » Je me souviens même d’un employé de maison qui avait averti ses patrons : « Faites attention, vous allez y passer ! » Le 6 avril 1994, dès la fin d’après-midi, Kigali était quadrillé par des barrages inhabituels. Pour moi, il s’agit d’une machination très bien préparée. À l’inverse, je ne dispose d’aucun indice indiquant que le FPR [Front patriotique rwandais, NDLR] savait qu’une action de ce type allait se produire. Pour moi, ça ne fait aucun doute : ce n’est pas le FPR qui a tiré les missiles.

Qui, selon vous, avait intérêt à abattre le président Habyarimana ?

La CDR [Coalition pour la défense de la République, le parti extrémiste hutu], qui était opposée aux accords d’Arusha et risquait d’être écartée des institutions de transition à la demande du FPR. Avant même l’attentat, les listes de personnes à éliminer étaient prêtes ; l’intention préalable d’exterminer les Tutsis est évidente. Les commanditaires de l’attentat sont à rechercher chez les extrémistes hutus de l’Akazu, le petit cercle proche de la famille présidentielle où les frères d’Agathe Habyarimana étaient très influents, et de l’Amasasu, un groupe d’officiers anti-Tutsis. À leurs yeux, en acceptant les accords d’Arusha, Habyarimana avait trahi la cause hutue.

Disposez-vous d’informations étayant l’implication de Français dans l’attentat ?

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Plusieurs témoins évoquent le fait que des militaires français ayant quitté le pays au moment du retrait du dispositif français, en décembre 1993, sont revenus en civil au cours des semaines suivantes, jusqu’à la veille de l’attentat. Le Rwanda est un tout petit pays et ils ont été reconnus par diverses connaissances. J’ai notamment retrouvé dans mes notes d’enquête des informations relatives à trois membres du Dami [Détachement d’assistance militaire et d’instruction], des spécialistes du tir, qui seraient venus officieusement du Burundi peu de temps avant l’attentat. Le 4 avril 1994, des militaires français qui n’étaient pas censés se trouver au Rwanda ont été reconnus par des expatriés européens.

Quel est votre sentiment par rapport aux conclusions du juge Bruguière incriminant le FPR ?

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Je considère qu’il a mal travaillé. La thèse FPR ne tient pas la route. J’ai l’impression que cette enquête a été manipulée, mais j’ignore s’il s’agit d’incompétence ou de pressions.

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Propos recueillis par Mehdi Ba

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