Angela Davis, panthère indomptable
À 69 ans, la militante africaine-américaine, Angela Davis, est l’héroïne d’un documentaire qui retrace son histoire. Celle d’un déni de justice qui, dans les années 1970, faillit lui coûter la chaise électrique.
Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir été considéré comme un ennemi public à la fois par l’occupant de la Maison Blanche (à l’époque, Richard Nixon), le gouverneur de Californie (Ronald Reagan) et le chef de la police fédérale (Edgar Hoover). Il n’est pas commun non plus d’avoir fait partie de la liste des dix personnes les plus recherchées des États-Unis établie par le FBI. C’est ce qui est arrivé en 1970 à Angela Davis pour un crime qu’elle n’avait pas commis, mais dont elle n’avait pas été accusée par hasard. Cette brillante universitaire bénéficia d’une campagne internationale de soutien qui la sauva de justesse de la chaise électrique, après dix-huit mois de détention.
Avant même que ne s’écrive ce scénario macabre, Angela Davis symbolisait à elle seule tout ce que détestaient les dirigeants conservateurs de l’Amérique blanche de ces années-là : elle était noire, féministe, proche des Black Panthers, militante de la section du Che-Lumumba Club au sein du Parti communiste américain, enseignante de philosophie et de littérature aux convictions marxistes, ayant eu pour maître Herbert Marcuse, un penseur révolutionnaire proche de l’École de Francfort. Il n’en fallait pas davantage pour que le FBI la surveille, d’autant plus qu’elle avait pris la défense de détenus noirs qu’elle considérait comme des prisonniers politiques. Parmi eux, George Jackson, dont elle tomba amoureuse. Animateur d’une organisation antiraciste au sein de son pénitencier de Soledad (Californie), il avait été condamné onze ans plus tôt pour un vol de 70 dollars. Lorsque Jackson et deux autres « frères de Soledad » tentèrent de s’évader au cours d’une prise d’otages – l’opération tourna au bain de sang après l’intervention de la police -, on accusa Angela d’avoir fourni aux détenus les armes dont ils s’étaient servis. Sans preuve, mais n’était-elle pas la coupable idéale ?
Puissants
Construit comme un thriller, enrichi par le témoignage d’Angela Davis et par de nombreuses archives d’époque, le remarquable documentaire de Shola Lynch revient sur cette histoire emblématique. L’héroïne de Free Angela – le titre reprend le nom des comités de soutien à l’accusée – n’était pas très favorable à ce qu’un film lui soit consacré. Mais la cinéaste américaine l’a convaincue de l’importance de revenir sur cette affaire exemplaire, où un déni de justice put être évité grâce à des militants décidés, tenant en échec des hommes aussi puissants que Nixon, Reagan et Hoover.
Loin de s’assagir, Angela Davis, 69 ans aujourd’hui, n’a jamais cessé de se battre pour ses convictions. Si, dans l’Amérique d’Obama, la lutte pour les droits civiques est pour l’essentiel terminée, cette militante-née, toujours sympathisante communiste même si elle n’est plus membre du parti, reste convaincue que toutes les causes « progressistes » sont liées et continue le combat. Elle participe ainsi à toutes les batailles contre le « capitalisme mondialisé ». Et, dans un pays qui utilise la prison comme un outil d’exclusion de certaines catégories de populations (25 % des personnes incarcérées dans le monde le sont aux États-Unis), elle soutient le Prison Abolition Movement. Cette sensibilité aux questions de privation de liberté l’amène à dénoncer régulièrement le sort réservé aux Palestiniens, condamnés à vivre dans « la plus vaste prison à ciel ouvert de la planète ». Le 20 mars, pour le dixième anniversaire de la guerre en Irak, elle a réclamé la fermeture du camp de Guantánamo.
« Free Angela and all political prisoners » réalisé par l’Américaine Shola Lynch.
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