États-Unis – Israël : quand Obama souffle le « show » et le froid

Arrivé sans aucune proposition pour relancer le processus de paix au Proche-Orient, Barack Obama a multiplié les gestes ostentatoirement amicaux à l’égard des israéliens, recevant un accueil glacial des Palestiniens.

Barack Obama et Benyamin netanyahou, le 21 mars, à Jérusalem. © Mandel Ngan/AFP

Barack Obama et Benyamin netanyahou, le 21 mars, à Jérusalem. © Mandel Ngan/AFP

perez

Publié le 28 mars 2013 Lecture : 6 minutes.

Pour sa première sortie internationale depuis sa réélection, Barack Obama n’a hélas pas cherché à entrer dans l’Histoire. Arrivé au Proche-Orient sans plan de paix, à mille lieues de son ambitieux discours du Caire de 2009, le président américain a privilégié une posture consensuelle, largement favorable à Israël. L’accueil fastueux que lui ont réservé les responsables de l’État hébreu, le 20 mars, a donné le ton d’une visite qui visait avant tout à célébrer l’amitié bilatérale. Pas moins de 15 000 policiers ont été affectés à la sécurité du président américain et de sa délégation de 500 personnes. Le dispositif « Alliance des peuples » avait des allures de G8 : fermeture des principaux axes routiers de Jérusalem, quartiers bouclés, notamment autour de l’hôtel King David, où Obama a passé deux nuits. Total de la facture : 3 millions d’euros.

À défaut de propositions concrètes, Obama a joué de son charme. « C’est bon d’être de retour en Israël », a-t-il lancé en hébreu aux membres du gouvernement Netanyahou, tous venus l’accueillir à l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv. Il aura également planté un magnolia dans les jardins de Shimon Pérès, son homologue, et rencontré Yityish Aynaw, la nouvelle Miss Israël d’origine éthiopienne, lors d’un dîner de gala.

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Effusions

Obama n’a pas non plus ménagé ses efforts à l’égard du Premier ministre israélien. Sourires éclatants, accolades et effusions ont tenté d’effacer quatre années de relations personnelles tumultueuses. Les deux dirigeants ont mis en scène leurs retrouvailles devant une batterie du système antimissile Dôme de fer, de technologie israélienne, que les États-Unis ont financé dans son intégralité. « Je vois dans cette visite l’occasion de réaffirmer l’engagement sans faille des États-Unis en faveur de la sécurité d’Israël. Notre alliance est éternelle », a déclaré Barack Obama, annonçant qu’il allait entamer des discussions au Congrès pour maintenir l’aide militaire américaine à 3 milliards de dollars par an après 2017.

À huis clos, dans la résidence de Benyamin Netanyahou, à Jérusalem, il a beaucoup été question de la Syrie et, surtout, de la réconciliation d’Israël avec la Turquie, seule avancée concrète de la visite d’Obama. Brouillés depuis le raid de l’armée israélienne contre la flottille Mavi Marmara, au large de Gaza (qui s’était soldé par la mort de 9 citoyens turcs, en mai 2010), Ankara et Tel-Aviv campaient sur leurs positions, les Turcs exigeant des excuses officielles et le versement de réparations aux victimes, les Israéliens refusant tout net, ce qui avait provoqué l’expulsion de leur ambassadeur en Turquie et la suspension de la coopération militaire bilatérale. Coup de théâtre : le 22 mars, à l’instigation d’Obama, Netanyahou a téléphoné à Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, pour présenter les excuses de l’État hébreu et accepter d’indemniser les victimes. Des excuses aussitôt agréées par la Turquie et qui laissent augurer, selon Obama, « le rétablissement de relations positives » entre ces deux alliés de Washington.

La détermination d’Obama est apparue moins nette sur le dossier palestinien que sur l’Iran, même s’il a réaffirmé son attachement au principe "deux États-deux peuples".

Sur le dossier du nucléaire iranien, le président américain et le Premier ministre israélien ont pris soin de ne pas afficher leurs divergences. En septembre 2012, Netanyahou avait demandé à l’ONU de fixer « une ligne rouge » à partir de mars 2013 pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme atomique. Or, le 14 mars, Obama a estimé que l’Iran ne posséderait pas cette arme avant « un peu plus de un an ». « Il est encore temps de trouver une solution diplomatique. Mais si nous n’avons pas le choix, toutes les options sont sur la table », a précisé l’Américain.

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Sa détermination est apparue moins nette sur le dossier palestinien, même s’il a réaffirmé son attachement au principe « deux États-deux peuples ». Très déçue par sa politique, la rue palestinienne lui a réservé un accueil glacial. Plusieurs manifestations hostiles ont eu lieu à Ramallah. Afin d’éviter tout débordement fâcheux, les drapeaux américains n’avaient été hissés qu’à l’intérieur de la Mouqataa, siège de l’Autorité de Mahmoud Abbas. Arrivé dans son Black Hawk, Obama a frôlé l’incident diplomatique en refusant de se rendre sur la tombe de Yasser Arafat.

Sur place, et alors qu’il n’en avait même pas parlé à l’issue de son premier entretien avec Netanyahou, il n’a que timidement évoqué la colonisation israélienne, « qui ne fait pas progresser la cause de la paix ». À défaut d’exiger un gel des constructions en Cisjordanie comme il l’avait fait en 2009, il a jugé que les pourparlers avec Israël devaient reprendre sans conditions, mettant de facto les Palestiniens dos au mur. « On ne peut pas négocier sous la force, l’occupation militaire et les arrestations », lui a rétorqué Mahmoud Abbas.

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Plaidoyer

À l’évidence, Obama réservait ses arguments à la jeunesse israélienne. Face à 600 étudiants réunis, le 21 mars, au palais des congrès de Jérusalem, il s’est livré à un plaidoyer pour la paix. Après avoir exhorté le monde arabe à reconnaître Israël comme le foyer du peuple juif, il a confronté l’État hébreu à la réalité : « Ni l’occupation ni les expulsions ne sont la solution. De la même façon que vous avez construit votre pays, les Palestiniens ont le droit d’être un peuple libre sur leur terre. » Difficile de juger quel sera l’impact de ces mots. D’après un sondage du quotidien Maariv, seuls 10 % des Israéliens ont une bonne opinion du président américain, 17 % le détestent, et 38 % (contre 33 %) estiment qu’il est hostile à leur pays.

Obama n’a plus la baraka

« Obama, vous nous aviez promis l’espoir et le changement, vous nous avez donné les colonies et l’apartheid. » À Jérusalem, le 20 mars, le président américain n’aura pas même aperçu cette banderole brandie à quelques kilomètres de là, en Cisjordanie, par des militants palestiniens venus dresser un camp de tentes sur une future zone d’implantation israélienne. Drapeaux américains brûlés à Gaza, défilés anti-Obama à Hébron, portraits déchirés à Ramallah… Le crédit accordé par les Palestiniens à l’Américain lors de son élection en 2008 a laissé place à la colère. La passivité de Washington face à la politique toujours plus musclée d’Israël, son activisme pour empêcher l’admission de la Palestine aux Nations unies et son obstination à ne voir dans le Hamas qu’un mouvement terroriste ont convaincu les Palestiniens que le « nouveau départ » annoncé par Obama dans son discours du Caire en 2009 n’était que vaine promesse. À Gaza comme en Cisjordanie, on espère aujourd’hui davantage d’une troisième intifada que de la Maison Blanche…

Ce scepticisme a gagné tous les peuples de la région. « Ils comptaient déjà peu sur les États-Unis. Aujourd’hui, la désillusion est générale », explique Karim Bitar, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), à Paris. En juin 2012, le Pew Research Center a publié un sondage éloquent : alors que 34 % des musulmans approuvaient la politique étrangère d’Obama en 2009, ils n’étaient plus que 15 % trois ans plus tard. Et, ajoute Bitar, les Arabes ne doivent plus compter sur Washington : « Les contraintes diplomatiques et intérieures ne cessent de croître et la marge de manoeuvre des États-Unis pour intervenir à l’extérieur, de se réduire. »

Laisser-faire. C’est en Afrique du Nord que ce désengagement est le plus net : en 2011, les Américains avaient laissé Paris et Londres en première ligne pour venir à bout de Kadhafi ; deux ans plus tard, ils sous-traitent à François Hollande la sécurisation du Sahel. Leur soutien au Printemps arabe aurait-il été davantage dicté par un pragmatique laisser-faire que par une volonté active d’appuyer les transitions démocratiques ? « Ils ont trouvé un modus vivendi avec les Frères musulmans et apparentés, sans prendre la mesure de la perte de crédibilité des islamistes en Égypte et en Tunisie », poursuit Bitar. Fait significatif, John Kerry, le secrétaire d’État, qui a précédé Obama au Moyen-Orient (Ankara, Doha, Le Caire), n’a pas daigné poser le pied au Maghreb. Les violentes manifestations contre les représentations américaines qui ont éclaté après l’affaire du film L’Innocence des musulmans et se sont conclues par la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens en Libye, ont-elles décidé Washington à rester sur sa réserve ? Sans doute faut-il porter plus loin ses regards pour comprendre ce désintérêt américain. « Désireux de laisser sa marque dans l’Histoire lors de son second mandat, Obama va concentrer ses efforts sur l’Asie. Il sait qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, c’est perdu d’avance et qu’il n’y a que des coups à prendre », conclut le chercheur de l’Iris. Laurent de Saint-Périer.

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