Saddam Hussein, le destin au bout d’une corde
Arrêté par les Américains en décembre 2003, le président déchu, jugé par un tribunal spécial irakien, est condamné à mort trois ans plus tard, le 30 décembre 2006. Voici le récit qu’en fit alors Cherif Ouazani dans JA.
Tous les effets personnels de Saddam Hussein ont été confiés à l’un de ses avocats. L’ex-raïs est donc en pyjama quand les Américains le remettent à des policiers en civil. Les nuits sont fraîches, il garde son épais manteau. Dès son arrivée sur les lieux, une violente altercation verbale l’oppose à ses nouveaux et éphémères geôliers, qu’il traite de terroristes et de valets de l’occupant.
Un haut fonctionnaire s’en prend à lui : « Tout ce que nous endurons aujourd’hui est de ta faute ! Tu nous as détruits. Tu nous as accablés de misère et tu nous a fait vivre dans le dénuement.
– J’ai détruit vos ennemis, iraniens et américains. Je vous ai sauvés de la misère et sortis du dénuement.
– Droit vers l’enfer !
– Dieu te maudisse ! »
En montant sur la plate-forme où est dressée la potence, Saddam n’a rien perdu de son orgueil. « L’Irak n’est rien sans moi ! » lance-t-il à un responsable, le seul parmi les personnes qui entourent le supplicié à ne pas porter de cagoule. Durant la diffusion des images tournées par une caméra « officielle », son visage sera flouté.
L’ex-raïs est enchaîné, pieds et poings liés. Dès qu’il gravit les marches le conduisant à la potence, il ne prête plus attention à ce qui l’entoure. « Ya Allah ! » implore-t-il. Aucune crainte n’est perceptible sur son visage. Détail : il n’y a pas un seul bourreau mais cinq. Saddam refuse de mettre un bandeau sur les yeux. Les images officielles s’arrêtent quand le condamné est placé debout sur la trappe, la corde au cou. D’autres images prises par des téléphones portables rapportent le détail de la pendaison.
Le jour de l’Aïd el-Kébir
Un clerc psalmodie quelques versets du Coran. Saddam récite la profession de foi des musulmans, la chahada. Quatre flashs crépitent. Les photos prises par d’autres téléphones portables feront la une des journaux de la planète du lendemain. Alors que le clerc ânonne encore, un premier cri fuse :
« Pour Mohamed Baqer Sadr [un grand ayatollah, oncle de Moqtada Sadr, pendu par Saddam en avril 1980 pour intelligence avec l’Iran].
– Moqtada ! Moqtada ! Moqtada ! crient en chœur des membres de l’assistance.
– Haya roujoula ! « , rétorque Saddam, que l’on pourrait traduire par « C’est comme ça que vous êtes des hommes ? », dans le sens bédouin du terme.
« L’homme est en train d’être exécuté », lance une voix inconnue, qui se révélera être celle de Mounqidh al-Faroun, le procureur qui avait requis la peine de mort lors du procès. Il menace de quitter la salle, ce qui provoquerait la suspension de l’exécution. Le conseiller national à la sécurité, Mouwaffaq Roubaï, le raisonne et l’exécution peut aller à son terme.
Saddam entame à nouveau la chahada : « Il n’y a de Dieu que Dieu et Mohammed… » La trappe s’ouvre. On ne lui aura pas laissé le temps d’achever la formule. Les images de l’agonie sont furtives et floues. Puis un plan fixe montre le cadavre du raïs dans un linceul. Le visage est tuméfié. Conséquence de la pendaison ? Traces de coups post-mortem, fruit de l’acharnement d’une partie de l’assistance sur la dépouille du supplicié ? Les circonstances de l’exécution sont accablantes pour le gouvernement irakien et ses protecteurs américains. Même si l’exécution a eu lieu avant l’aube, la communauté sunnite retiendra que l’ancien dictateur a été exécuté un jour sacré [Aïd el-Kébir]. Elle a été le reflet de la justice qui a prononcé la sentence, caractérisée par un amateurisme criant. Une parodie de procès et une exécution comme on en voit dans les mauvais westerns.
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