François Hollande ou le désamour
Le chef de l’État avait promis de faire reculer le chômage. Dix mois après son élection, son échec est patent. Et l’effondrement de sa popularité en découle. Pourtant, des motifs d’optimisme existent.
Sale temps pour François Hollande ! « Où sont les promesses ? » Ou bien : « Rien ne va plus. » Ou encore : « La déroute », « le grand doute », voire « a-t-il déjà perdu ? » Telles sont quelques-unes des interpellations et des manchettes de la presse qui accablent le président français en cette mi-mars. Certes, ce n’est plus le « Hollande bashing » de l’été, quand tous les hebdos consacraient des unes incendiaires à son inconsistance politique supposée – et augmentaient ainsi leurs ventes. Pourtant, l’inquiétude a gagné son propre camp, traumatisé par sa dégringolade dans les sondages et la perspective d’une déroute aux municipales de 2014.
Soixante-trois pour cent des personnes interrogées désapprouvent son action, selon un sondage Ifop publié le 6 mars par Paris Match, tandis que 55 % considèrent que le gouvernement ne sait pas où il va en matière économique et fiscale, selon les calculs de CSA publiés par Les Échos le 7 mars.Autrement dit, l’opinion a le sentiment qu’il n’y a pas de capitaine pour piloter la France dans la tempête. Petroplus, Peugeot-Citroën Aulnay, Continental, Goodyear, Sanofi, Arcelor Mittal… Autant d’entreprises où le gouvernement a démontré son impuissance à défendre les emplois. Le courage démontré au Mali et la correction infligée aux islamistes armés ne suffisent pas à satisfaire des Français qui ont pris au pied de la lettre la promesse du candidat Hollande de faire reculer le chômage.
Selon un récent sondage, 63% des personnes interrogées désapprouvent son action.
Ingouvernable pour cause de rejet électoral de l’austérité, l’Italie donne à Arnaud Montebourg, le tonitruant ministre du Redressement productif, et à Cécile Duflot, la très verte ministre du Logement, des arguments en faveur d’une relance… que Hollande exigeait des Européens peu après son élection. Les députés PS comme les militants et les électeurs socialistes n’en peuvent plus de l’austérité fiscale et budgétaire destinée à réduire les déficits pour complaire à Bruxelles et aux marchés. Ils crient de plus en plus fort : « Revenez à gauche ! » comme à Marmande. Mais aussi : « Il est où le président de tous les Français ? » comme à Dijon, où Hollande a, le 12 mars, tenté sans grand succès d’estomper son image de président distant.La vérité est que le chef de l’État… ne l’est pas vraiment, mais qu’il fait preuve d’une sérénité à toute épreuve, d’un optimisme tranquille, presque « pépère ».
Satisfecit
Rien ne le fait vaciller, et, quand il scrute l’avenir au-delà des turbulences du moment, il estime que « les outils du redressement sont les bons ». Il n’est certes pas en phase avec le stress du corps social, mais a-t-il tort pour autant ? En adoptant le pacte de stabilité européen, une réforme du marché du travail et une autre pour redresser la compétitivité de ses entreprises, la France a donné des gages aux analystes et aux marchés, qui ne lui chercheront pas querelle si elle ne respecte pas l’objectif de ramener son déficit budgétaire à 3 % de son produit intérieur brut. « Le non-respect de cette promesse n’aura pas de conséquence, estime un éminent responsable du Fonds monétaire international (FMI), à condition que Hollande poursuive dans la voie des réformes structurelles, par définition douloureuses, comme la réforme des retraites. » À preuve, le Trésor français continue d’emprunter à des taux exceptionnellement bas, et Standard & Poor’s vient de décerner un satisfecit au gouvernement.
Prétendre apercevoir le bout du tunnel ne relève plus du rêve. Les économies des États-Unis, de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Allemagne accélèrent. L’Irlande se redresse et le Portugal s’assainit plus vite que prévu. Même la Grèce enregistre un retour des capitaux. Tous les prévisionnistes, ou presque, en sont d’accord : l’accélération de la croissance ne sera certes pas très forte, mais elle sera perceptible à partir du deuxième semestre de cette année. Y compris en France.
Le calcul de Hollande est comparable à celui fait, en son temps, par Barack Obama. Ayant hérité d’une situation économique catastrophique, le président américain, après avoir paré au plus pressé, avait choisi de faire le gros dos. Il avait subi de sévères critiques pour son attentisme, mais fait le pari que l’amélioration du marché du travail se produirait suffisamment tôt pour permettre sa réélection. On connaît la suite.
La reprise de la croissance devrait être perceptible dans quelques mois.
Le pari de son alter ego français d’inverser dès cette année la courbe du chômage est audacieux, alors qu’on recense chaque mois 30 000 chômeurs supplémentaires. Pour y parvenir, les « emplois d’avenir » pour les jeunes en difficulté, les exonérations de charges sociales des « contrats de génération » et les emplois aidés seront moins efficaces que le ralentissement des défaillances d’entreprises, que l’on peut espérer à la fin de cette année. Si le marché du travail cessait de se dégrader dans neuf mois, ce serait déjà un franc succès.
Silence
La cassure entre François Hollande et les Français était en germe dans son attitude depuis maintenant plus de un an. Comme Jacques Chirac en 1995, il a pris pendant la campagne présidentielle des engagements sociaux qui ne dépendaient pas de lui. En laissant, six mois durant, Arnaud Montebourg ferrailler contre le patronat, il a donné l’illusion qu’il renouait avec l’interventionnisme. Et que l’État pouvait tout. Mais c’est moins la révélation de son impuissance dans certains dossiers socialement douloureux qui vaut au président un désamour aussi rapide que son silence, qui conduit les Français à penser que le cap n’est pas fixé. Impression évidemment renforcée par une certaine pagaille ministérielle, qui confine parfois à la cacophonie, comme à propos de l’hypothétique libération des otages au Cameroun ou de la taxation du gazole.
Certains sont convaincus que Hollande est obnubilé par son désir de se démarquer de l’agitation et de la logorrhée de son prédécesseur. Du coup, il tomberait dans l’excès inverse, alors qu’il lui faudrait plaider – et bien avant 2017 – auprès des Français pour ses convictions sociales-démocrates enfin assumées. C’est-à-dire un État stratège qui protège sans perturber les lois de l’économie, qui organise la vie sociale sans la corseter, et qui assiste le pauvre sans dépouiller le riche. Si, de discours officiels en confidences ciblées et en voyages en province, il parvenait de surcroît à faire partager son optimisme à ses concitoyens plongés dans la plus noire déprime, il ferait oeuvre de salut public.
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