Qatar : la grenouille et le crapaud
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 18 mars 2013 Lecture : 2 minutes.
Il fut un temps, pas si lointain, où personne ne s’étonnait de la trajectoire météoritique du très prospère Qatar. Il faut dire que ce dernier savait tout de même ne point trop plastronner. Une petite médiation pour donner un coup de main à l’ami Sarkozy dans l’affaire des infirmières bulgares retenues en Libye par l’ignoble Kaddafou, un rôle d’acteur médiatique grâce à Al-Jazira, un autre de mécène pour investir son inépuisable manne tirée des hydrocarbures : pas de quoi s’inquiéter, pensait-on.
Vint le temps, ensuite, de la crise économique et des révolutions arabes. Une grande partie de la planète déroula alors le tapis rouge aux émirs. S’ils avaient pu leur lécher les babouches, sans doute l’auraient-ils fait. L’appétit vient en mangeant, paraît-il. Alors, Cheikh Hamad Al Thani, qui n’a pas particulièrement le look d’un ascète et ne brille pas toujours par sa modestie, décida de troquer sa djellaba d’acteur en devenir contre celle, qu’il jugea plus conforme à son imposante carrure, de leader politique et de nouveau maître du monde arabe. Petit émirat deviendra grand… Il nous tira quelques larmes en se précipitant au secours des révolutionnaires de Tunisie, d’Égypte ou de Libye, lui, le chevalier à dos de chameau, pourfendeur de tyrans et défenseur des droits de l’homme. Nous aurions pu tiquer sur les nombreuses contradictions qui parcouraient son « royaume », où les partis politiques sont interdits, les poètes jetés en prison, les travailleurs étrangers traités, au mieux, comme des esclaves des temps modernes, où la seule loi qui vaille est le wahhabisme et où l’on n’apprécie les révolutions qu’à partir du moment où elles éclatent à des milliers de kilomètres des palais de l’émir. Nous aurions pu demander leur avis aux Bahreïnis, par exemple, qui eux n’ont eu droit qu’à des coups de matraques. Mais bon, après tout, l’erreur est humaine et le jeu en valait peut-être la chandelle…
La grenouille a poursuivi son enflure. Insatiable, elle n’a même plus pris la peine de faire preuve de discrétion. Ceux qu’elle prétendait aider en Afrique du Nord, les vrais révolutionnaires, ont été lâchés en rase campagne au profit des islamistes, qui, fort de ce soutien, se sont empressés de confisquer lesdites révolutions. Soucieuse de soigner son image et de créer un lien de dépendance, elle s’est mise à prodiguer ses largesses sans compter, à inviter le monde entier à festoyer chez elle, allant jusqu’à obtenir l’organisation de l’événement sportif le plus populaire de la planète : une Coupe du monde de football !
Aujourd’hui, celle qui fut une gentille petite grenouille est devenue crapaud, et des pustules lui poussent sur le dos. Les critiques pleuvent, surtout parmi des élites confrontées à leur propre décrépitude qui ne goûtent plus de voir d’ex-Bédouins s’accaparer fleurons et joyaux nationaux ou multiplier les leçons à leur endroit. Sans parler du retour de bâton lié au soutien apporté à des islamistes qui ne brillent pas vraiment dans leurs nouvelles fonctions de dirigeants. Ou des accusations qui font désormais florès : financement du jihadisme, double jeu, corruption (Coupe du monde 2022), atteintes aux droits de l’homme, etc. On attend avec impatience la fin de cette fable, et donc sa morale…
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