Tchad : pas d’état de grâce pour le gouvernement de Dadnadji
Sur le bureau du nouveau Premier ministre tchadien, Joseph Djimrangar Dadnadji, les dossiers s’accumulent. En haut de la pile, celui, brûlant, de la sécurité intérieure.
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Il avait été annoncé plusieurs fois comme candidat à la primature ; c’est finalement le 21 janvier dernier, au moment où l’on s’y attendait le moins, que Joseph Djimrangar Dadnadji a été nommé Premier ministre. Il remplace Emmanuel Nadingar, qui occupait la fonction depuis mars 2010. Un proche d’Idriss Déby Itno explique : « Après avoir gagné les élections et récompensé les militants, il fallait passer à l’action. Le président a donc décidé de confier la mission à une autre personne, d’où le choix de Djimrangar. » À 59 ans, cet administrateur, juriste et membre du bureau politique national du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir) a été plusieurs fois ministre et membre du cabinet du chef de l’État – qu’il dirigeait jusqu’à sa nomination à la primature. C’est dire si l’homme connaît le système et y a ses réseaux.
« Mettons-nous au travail, a-t-il lancé à sa prise de fonctions. Je serai l’ami des travailleurs et l’ennemi des paresseux. » Il a réitéré ces propos lors de la présentation de son programme politique devant le Parlement. Une feuille de route qui prévoit de restaurer l’autorité de l’État pour développer le monde rural – une promesse présidentielle – et maintenir le dialogue avec l’opposition, les syndicats et les bailleurs de fonds.
Dans le domaine agricole, la nouvelle équipe promet de poursuivre sur la lancée des politiques engagées pour atteindre la sécurité alimentaire. Un millier de tracteurs avaient notamment été mis à disposition à prix subventionnés pour les labours de la dernière campagne, des semences et des engrais distribués.
Sur le front social, le gouvernement a déjà repris langue avec les syndicalistes pour des négociations. Ces derniers, qui ont suspendu en décembre une grève destinée à obtenir des augmentations de salaire, promettent de revenir à la charge dès fin mars. « Si les moyens de l’État le permettent, chacun recevra sa part de gâteau » promet Dadnadji.
Le troisième chantier, et sans doute le plus difficile, est celui de la sécurité intérieure. Quelques jours seulement après sa nomination, le nouveau Premier ministre a mis en place une commission chargée de contrôler les effectifs de la police, très critiquée. Les premiers échos de l’opération de recensement lancée le 5 février sont préoccupants : après avoir contrôlé un tiers des hommes, des membres de la commission disent avoir constaté de graves irrégularités, notamment dans les conditions de recrutement et d’avancement. Malheureuse coïncidence : au même moment, un fait divers attire l’attention sur les forces de l’ordre. Un meurtrier réfugié dans un commissariat proche du marché central de N’Djamena en est extrait par les parents de sa victime, qui l’exécutent.
L’opération de recensement de la police ferait apparaître de graves irrégularités dans le recrutement.
Pour les autorités, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Tous les services de police sont suspendus en attendant la fin du recensement – la sécurité publique étant confiée à la gendarmerie et à l’armée. Le 14 février, deux ministres sont limogés : celui de la Sécurité publique et de l’Immigration, et celui de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, qui était auparavant le directeur général de la police.
Crédibilité
Un premier coup dur pour le gouvernement, qui doit être remanié le 19 février, huit jours après son investiture par le Parlement. L’opposition s’engouffre dans la brèche et commence à s’interroger sur la crédibilité de l’équipe Dadnadji, notant qu’elle est aussi pléthorique que la précédente et compte quelques ministres très contestés. « Les résultats du contrôle de la police et les décisions qui suivront en matière de lutte contre l’insécurité nous permettront de juger », avertit Béral Mbaïkoubou, député de l’opposition.
Autre mission, et non des moindres : renouer avec les institutions de Bretton Woods. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale avaient en effet pris leurs distances avec N’Djamena, du fait de la mauvaise gestion des finances publiques, de la corruption et de la persistance des inégalités sociales. « Du travail pour Dadnadji le bosseur », glisse un observateur.
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