Russie : Wagner, Prigojine et la (tardive) reconnaissance en paternité
Si l’oligarque russe a admis avoir fondé le groupe paramilitaire, cela ne signe pour autant pas le début de la transparence au sujet de la présumée « armée fantôme de Poutine » et de ses interventions sur le continent.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 26 septembre 2022 Lecture : 2 minutes.
Parler de la société Wagner au Mali, c’est comme jouer à une partie de « ni oui ni non ». À Bamako, la junte dirigée par Assimi Goïta ne reconnaît que la présence « d’instructeurs », ainsi dédouanés de tout statut de mercenaires, tandis que d’autres évoquent pudiquement de bien flous « supplétifs russes ». C’est pourtant sans gêne que, le 19 février, des manifestants maliens brandissaient dans les rues de Bamako des pancartes « Merci Wagner ».
Pourquoi alors les dirigeants maliens peinent-ils à reconnaître la présumée collaboration avec le groupe ? Ce n’est sans doute pas parce que les patrons de Wagner affichent leur nostalgie d’Adolf Hitler, le plus fameux des chefs opérationnels de Wagner, Dmitri Outkine, arborant des tatouages nazis, et le nom de la société étant un hommage au compositeur favori du Führer. Mais plutôt parce que le groupe paramilitaire s’entoure lui-même d’un épais mystère administratif et financier, qui complique la tâche de quiconque souhaite démêler l’écheveau des responsabilités et qui handicape les procédures pénales – ce qui ne gâche rien.
Défendre « les démunis africains »
Ledit mystère semble toutefois se désépaissir. Ce 26 septembre, dans une publication sur les réseaux sociaux, le Russe Evgueni Prigojine, parfois surnommé « le cuisinier de Poutine » pour avoir fait fortune dans l’alimentation des cantines militaires, a admis avoir fondé, le 1er mai 2014, « un groupe de patriotes qui a pris le nom de Groupe tactique de bataillon Wagner« . Si, à l’époque, l’escouade fut suscitée par des combats dans le Donbass ukrainien, l’homme d’affaires recherché par le FBI américain reconnaît depuis des interventions en dehors de l’Europe : « Et maintenant un aveu […] : ces gars, des héros, ont défendu le peuple syrien, d’autres peuples de pays arabes, les démunis africains et latino-américains, ils sont devenus un pilier de notre patrie. »
« Démunis », les Maliens ? Bamako prononcera-t-il plus aisément le nom de Wagner maintenant qu’Evgueni Prigojine a levé une partie du voile ? Les autorités du Kremlin, elles, démentent toujours des liens formels avec tout groupe paramilitaire privé, tout comme elles ne s’attardent guère sur leurs agissements dans le Sahel. Parler peu et cloisonner reste la stratégie de Vladimir Poutine, qui ne souhaite répondre, ni de près ni de loin, aux accusations d’exécutions sommaires, torture, spoliation et autres traitements dégradants attribués à Wagner dans plusieurs pays africains, en Centrafrique et au Mali. Et l’aveu de Prigojine ne devrait pas faire sortir la junte malienne de sa posture de Ponce Pilate.
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