Aline Sylla-Walbaum : ivre d’art
Ancienne directrice du développement culturel du Louvre et ex-conseillère du Premier ministre français François Fillon, cette Franco-Sénégalaise a pris la direction générale de Christie’s France il y a un an.
La passion d’Aline Sylla-Walbaum pour l’art a commencé lorsqu’elle avait 15 ans. C’était au Grand Palais, à Paris, lors d’une exposition du peintre flamand Rembrandt. Sa première. « Je voulais comprendre comment les artistes voyaient le monde qui m’entourait », raconte-t-elle.
Vingt-cinq ans après, elle côtoie tous les jours tableaux, sculptures, bijoux : depuis janvier 2012, elle est directrice générale de la maison de vente aux enchères Christie’s France. Cette quadragénaire à la silhouette élancée travaillait auparavant pour la société immobilière Unibail-Rodamco, ne connaissait rien au marché de l’art et avait suivi un parcours sinueux. Aline Sylla-Walbaum semble avoir bâti sa carrière au gré de ses envies et des occasions qui lui étaient offertes.
Elle doit ainsi son poste de directrice du développement culturel du Louvre (2002-2007) à sa rencontre avec l’administrateur général et le président-directeur du musée, lors d’une mission sur les trésors nationaux en 2001. Elle décroche le « job de ses rêves » après un entretien, le 24 décembre au soir. Diplômée de HEC, de Science-Po et de l’ENA – où elle a rencontré son mari, d’origine allemande -, elle avait débuté à l’Inspection générale des finances. Elle raconte qu’un jour, devant la porte de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), à Fontenay-sous-Bois, le vigile la somme de « faire la queue » comme tout le monde. Elle doit alors lui expliquer qu’elle vient voir le directeur…
J’ai eu la chance de n’avoir jamais été en butte au racisme de manière significative
Des anecdotes sur sa couleur de peau, cette Franco-Sénégalaise en a tout un tas. Elle les raconte et s’en amuse. Une fois, c’était un refus pour une location d’appartement ; une autre, un contrôle d’identité dans le RER. « Mais j’ai eu la chance de n’avoir jamais été en butte au racisme de manière significative », nuance-t-elle.
Élevée au Chesnay, à côté de Versailles, Aline Sylla a grandi dans un environnement « plutôt privilégié », entre une mère française, infirmière de formation, et un père d’origine sénégalaise employé chez le fabricant de machines à écrire Remington.Enfant, elle rusait pour que ce dernier ne l’accompagne pas à l’école après qu’une camarade de classe eut souligné qu’il était noir. « Ce qui sous-entendait que ce n’était pas bien d’être noir, explique-t-elle. Je ne voulais pas être différente. »
« Nous avons eu la chance d’avoir Senghor ! »
C’est néanmoins avec son père qu’Aline Sylla-Walbaum a appris à connaître le Sénégal. Elle y allait à peu près tous les trois ans en vacances. « Ce que j’aime de ce pays, c’est qu’il a toujours eu une bonne étoile, confie-t-elle. En Afrique occidentale, il est celui qui a le rapport le plus pacifié avec l’ancienne puissance coloniale. Et puis, nous avons eu la chance d’avoir Senghor ! » Aujourd’hui, son père disparu, c’est à travers son demi-frère sénégalais, marié et installé à Dakar, qu’elle a vécu l’élection présidentielle et la défaite d’Abdoulaye Wade. Ses liens avec le Sénégal sont restés forts même si ses trois grossesses l’ont empêchée d’y retourner depuis quelques années. Si l’Iran et sa culture vieille de cinq mille ans lui tiennent particulièrement à coeur, elle emmènera d’abord ses trois enfants au pays de leurs racines, qu’ils ne connaissent pas. Ce sera l’hiver prochain, sans doute.
Dans ses nouvelles fonctions chez Christie’s, Aline travaille parfois avec le continent. Mais les ventes aux enchères d’art contemporain africain ne s’y bousculent pas. Les artistes, en particulier ceux des pays francophones, pâtissent en effet d’un manque de structures et de galeries pouvant les défendre à l’international. « Ce sont les anglophones du continent qui ont les cotes les plus élevées, comme la Sud-Africaine Marlene Dumas ou le Nigérian Yinka Shonibare », explique-t-elle. Chez Christie’s, elle apprécie d’avoir en permanence un « petit musée éphémère » à contempler mais ne ressent pas le besoin de posséder des oeuvres : pas collectionneuse pour un sou.
Ses goûts la portent vers l’art ancien. Lorsque, adolescente, elle débarque à Rome, elle a un coup de foudre pour l’Italie. Du matin au soir, elle écume musées et églises de la Ville éternelle. Aujourd’hui, elle parle couramment l’italien et garde un faible pour les bronzes antiques et les peintures de Piero della Francesca. C’est cette période artistique qu’elle a aussi le plus côtoyée durant ses années au Louvre.
Ce musée, elle l’a quitté en 2007 pour Matignon, où elle est devenue conseillère pour la culture et la communication du Premier ministre François Fillon. Quand on l’interroge sur ce choix, elle évoque un rôle technocratique plutôt que politique, mais ne cache pas son admiration pour l’ancien ministre, dont elle a apprécié le « sens de l’État ».
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Par Marie Villacèque
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