RDC : Étienne Tshisekedi, un roi sans royaume

Entêté, isolé, mais encore populaire, Étienne Tshisekedi est à la tête d’un parti déchiré. Rencontre avec un homme qui, plus de un an après l’élection, se considère toujours comme le vrai président élu de la République démocratique du Congo.

Étienne Tshisekedi, après l’annonce de sa défaite à la présidentielle, novembre 2011. © AFP

Étienne Tshisekedi, après l’annonce de sa défaite à la présidentielle, novembre 2011. © AFP

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Publié le 19 mars 2013 Lecture : 5 minutes.

Le Vieux n’a pas démissionné, contrairement à ce que les folles rumeurs kinoises ont fait croire au lendemain de l’annonce de la démission du pape Benoît XVI mi-février. « Malgré son âge [80 ans], Étienne Tshisekedi tient encore le cap, assurent ses proches. Il n’est pas prêt à abdiquer. » Plus d’une année a passé depuis l’élection présidentielle de novembre 2011 – un scrutin controversé, mais officiellement remporté par Joseph Kabila plutôt que par le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, principal parti d’opposition).

Étienne Tshisekedi, pourtant, y croit toujours. Il ne renoncera pas, « pas avant de nous amener vers la victoire », soutient un militant venu le saluer. Le 20 février, il s’est envolé pour l’Afrique du Sud, mais nous l’avions rencontré quelques jours plus tôt dans sa résidence privée du quartier Limete, à Kinshasa. Toujours aussi obstiné, toujours aussi radical.

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"Chef de l’État sans imperium" 

Ce jour-là, comme tous les jours, une dizaine de personnes – des sympathisants pour la plupart – attendaient devant la bâtisse, espérant être reçus en audience. Il leur avait fallu franchir le dispositif policier déployé autour de sa résidence pour filtrer les allées et venues. « Vous aussi, vous venez voir le président élu ? » m’avait ensuite lancé l’homme chargé d’enregistrer les visiteurs. Car ici, on ne reconnaît toujours pas les institutions issues des derniers scrutins présidentiel et législatif. Étienne Tshisekedi est, nous explique-t-on, un président sans pouvoir, mais un président quand même. 

Assis derrière une table où s’entassent de lourds dossiers, « Ya Tshitshi » a accepté de nous recevoir, pas de répondre à nos questions. La pièce est petite. Accroché au mur, un portrait de Tshisekedi plus jeune. Un drapeau du Congo recouvre son bureau. L’homme qui a été reçu en tête à tête par François Hollande le 13 octobre 2012 à l’ambassade de France à Kinshasa nous explique qu’il se sent « bien » dans cette peau de « chef de l’État sans imperium ». Mais alors, comment compte-t-il s’y prendre pour entrer effectivement en fonction ? Pas de réponse. Que pense-t-il de la guerre qui a repris dans l’est du pays ? Pas de réponse. Faut-il en déduire qu’il est fatigué, affaibli par le poids des années ? « Non, réplique un de ses conseillers. Ce silence, c’est une stratégie politique. »

Tshisekedi se replonge dans la lecture d’un ouvrage sur la « vie d’un politicien zaïrois » (il ne nous dira pas son nom). Quelques heures plus tôt, Patrice Ngoy Musoko, pasteur évangélique et chantre de la musique chrétienne congolaise, est venu lui présenter ses voeux pour la nouvelle année. « Étienne Tshisekedi reçoit chaque jour mais n’accorde plus d’interview à la presse », explique Albert Moleka, son directeur de cabinet.

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UDPS entre radicaux et pragmatiques

Pourtant, déchirée entre les députés qui ont accepté de siéger à l’Assemblée nationale et ceux qui s’y refusent toujours, l’UDPS va mal. Conduits par Valentin Mubake, conseiller du chef, les plus radicaux plaident pour le boycott des institutions et sont allés jusqu’à exclure les membres du parti qui siègent au Palais du peuple. Emmenés par Samy Badibanga, président du groupe parlementaire UDPS-Forces acquises au changement, les plus pragmatiques considèrent que, malgré les ratés, « le jeu démocratique doit continuer ». « Nous, nous voulons être constructifs, explique Rémy Masamba, élu UDPS de la ville de Kinshasa. Les avancées démocratiques, même si elles ne sont que minimes, doivent être préservées. C’est pourquoi nous avons accepté d’occuper nos sièges pour représenter le peuple qui nous a mandatés au Parlement. »

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Étienne Tshisekedi est devenu un mythe : il peut ne rien dire, rester les bras croisés, mais tant qu’il est là, il incarne l’espoir.

Corneille Mulumba, secrétaire général de l’UDPS chargé du plan

Entre les deux camps, le dénominateur commun reste… Étienne Tshisekedi. Impossible de s’en passer à l’UDPS. « Il est devenu un mythe : il peut ne rien dire, rester les bras croisés, mais tant qu’il est là, il incarne l’espoir du changement pour des millions de Congolais qui croient en lui », affirme Corneille Mulumba, un des secrétaires généraux du parti. Les deux hommes se connaissent depuis plus de trente ans. « Ce n’est plus un politicien comme les autres, poursuit Mulumba. La dernière campagne électorale nous en a offert la démonstration. Il suffisait de présenter l’effigie de Tshisekedi pour avoir la confiance de la population, alors que peu de candidats se revendiquaient proches du président sortant et ont préféré se présenter en indépendants. » Une chose est sûre : en dépit de son silence et de son obstination (ou peut-être à cause de cette obstination), Tshisekedi reste populaire à Kinshasa, son fief, et beaucoup admirent le refus affiché de toute compromission avec le pouvoir, même si l’un de ses proches reconnaît que « sa capacité de mobilisation a faibli à cause des querelles internes au parti ». 

Et pourrait-on un jour envisager une réconciliation entre les deux camps tshisekedistes ? « Nous avons besoin de l’appui de notre formation politique pour peser davantage à l’Assemblée nationale, reconnaît Rémy Masamba. Actuellement, nos rapports avec le parti s’apaisent, mais c’est encore officieux. Nous voudrions qu’il nous confie officiellement des missions, des objectifs à atteindre. » Bref, une bénédiction solennelle du Líder máximo. Mais sur ce sujet-là comme sur les autres, le Sphinx de Limete a perdu sa langue. « Tshisekedi a prévu de s’adresser au parti et à la nation à son retour à Kinshasa », promet Corneille Mulumba. Trente et un ans après sa création, l’UDPS ne vit et n’avance toujours qu’au rythme de son leader historique. 

Escapade sud-africaine

Parti pour l’Afrique du Sud le 20 février, c’est la première fois qu’Étienne Tshisekedi, le chef de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), quittait la RD Congo depuis les élections générales de 2011. Un départ discret qui a un temps alimenté les rumeurs sur son état de santé. Mais c’est pour participer à une conférence sur le rôle des armées africaines à l’ère de la démocratie (« The african military in an age of democracy ») qu’il s’est envolé pour Pretoria. Le colloque était, comme chaque année, organisé par la Brenthurst Foundation, un think tank sud-africain, du 22 au 24 février. Tshisekedi y a commenté le poids des armées africaines aux côtés d’Alan Doss, l’ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RD Congo.

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Par Trésor Kibangula, envoyé spécial

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