Algérie – Maroc : le match des armées

Depuis plusieurs décennies, les deux voisins se livrent à une coûteuse course aux armements. Un rapport de force aberrant illustrant parfaitement ce Maghreb qui marche sur la tête…

Mohammed VI (g) et Abdelaziz Bouteflika (d). © AFP/Montage J.A

Mohammed VI (g) et Abdelaziz Bouteflika (d). © AFP/Montage J.A

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 19 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

C’est l’une des conséquences les moins avouables, mais sans nul doute la plus lourde de risques, du « non-Maghreb ». Cette aberration selon laquelle l’Algérie et le Maroc seraient en quelque sorte condamnés à ne jamais s’entendre et à vivre, frontières closes, en se tournant le dos se traduit de part et d’autre par la mise en oeuvre de politiques de défense élaborées en fonction des intentions supposément hostiles du voisin et par la constitution d’arsenaux toujours plus onéreux pour les finances publiques. Comme s’il fallait sans cesse se préparer à la guerre tout en sachant qu’on ne la fera jamais, tant cette perspective serait suicidaire. Ce qu’il faut bien appeler une course aux armements entre les deux pays ne date pas d’hier. Au début des années 1960, lors de la guerre des Sables, puis de 1975 jusqu’à la fin des années 1980, lorsque le conflit du Sahara occidental menaçait de dégénérer en guerre ouverte, le Maroc et l’Algérie se sont largement approvisionnés sur le marché des armes, toujours plus modernes et donc toujours plus chères. En dollars constants 2013, les dépenses en la matière des deux frères ennemis ont ainsi doublé entre 1974 et 1986 : de 1,03 à 2,43 milliards de dollars pour l’Algérie, de 887,48 millions à 1,57 milliard de dollars pour le Maroc. Après avoir connu une pause au cours des années 1990 et au début des années 2000, due à la fois à un climat international apaisé après la chute du mur de Berlin et à la guerre civile qui frappait l’Algérie, la compétition, frénétique, a repris à partir de 2006. Et continue depuis lors.

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Addiction

Mais, alors que l’initiative en était jusque-là partagée, il est clair que c’est l’Algérie qui depuis sept ans a pris la décision de mener la course aux achats, bien au-delà des besoins dictés par sa sécurité intérieure et extérieure. Volonté de devenir « la » puissance militaire incontestée de la région ? Souci d’asphyxier financièrement un rival marocain contraint de suivre sans disposer, loin de là, de la même marge de manoeuvre financière et déjà lourdement pénalisé par la fermeture des frontières et la persistance d’un conflit saharien largement artificiel ? Jeu opaque d’une haute hiérarchie militaire très en pointe – et très impliquée – dans la conclusion des gros contrats ? Toujours est-il que le « tournant » de 2006 ne procède pas d’un hasard. L’annulation, cette année-là, de la dette militaire d’Alger envers la Russie – 4,7 milliards de dollars, soit 3,9 milliards d’euros – et sa reconversion partielle en accords commerciaux concernant directement la défense nationale ont un effet direct sur le retour au galop d’une addiction terriblement onéreuse. Entre 2006 et 2012, les dépenses militaires algériennes passent de 3,6 milliards de dollars à 9,8 milliards de dollars et celles du Maroc, obligé de « répondre » sans les revenus des hydrocarbures, de 2,4 milliards de dollars à 3 milliards de dollars. Rien n’indique que cette inflation connaîtra en 2013 un moment de répit.

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Coopération

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Certes, la rivalité Algérie-Maroc n’explique pas tout. Toute armée a besoin de renouveler et de moderniser des matériels vieillissants et de tenir compte d’un environnement volatil – l’arc de crise sahélien et le chaos sécuritaire libyen sont évidemment des menaces asymétriques auxquelles il convient de faire face. Mais, y compris dans ce cas de figure, on ne peut s’empêcher de voir combien serait plus efficace une coopération militaire algéro-marocaine faite d’échanges de renseignements, d’opérations conjointes et de mise en commun des matériels plutôt que d’assister à la concurrence stratégique sur fond de défiance réciproque aujourd’hui de mise. Sans compter évidemment l’utilisation qui pourrait être faite, en matière de projets communs de développement, des sommes considérables ainsi épargnées. Le document qui suit, étude inédite sur un sujet très rarement abordé tant il est aujourd’hui encore tabou – le rapport des forces entre l’Algérie et le Maroc -, illustre parfaitement ce Maghreb qui marche sur la tête.

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