La méthode Zuma
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 11 mars 2013 Lecture : 2 minutes.
Hugo Chávez est mort, mais Jacob Zuma, lui, est bien vivant. Toutes proportions gardées et bien des excès en moins, le président sud-africain se veut sur le continent l’équivalent de ce que le líder vénézuélien a été pour l’Amérique latine : l’inspirateur d’une seconde révolution à la fois populiste, nationaliste et anticoloniale. Celui qui s’apprête à recevoir, les 26 et 27 mars, le sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) multiplie ces temps-ci des déclarations que n’aurait pas reniées l’ancien maître de Caracas. Dans un entretien publié il y a une semaine par le Financial Times, Zuma s’en est ainsi très directement pris aux grandes compagnies occidentales opérant en Afrique. Il leur reproche de cultiver une mentalité paternaliste d’anciens colons et de préférer, par peur du risque, les profits à court terme aux investissements productifs. Avec, en guise de conclusion, cet avertissement : « Ne vous étonnez pas, dans ces conditions, de perdre sans cesse du terrain face aux Chinois. »
Comme Chávez, les critères occidentaux de la bonne gouvernance et les usages politiquement corrects de la démocratie l’intéressent beaucoup moins que la capacité des chefs d’État à dire non aux ex-puissances tutélaires. « En Afrique, les électeurs ne font pas un choix intellectuel », dit Zuma, mais un choix d’intérêt et de solidarités au sein duquel s’entremêlent les appartenances communautaires, raciales, religieuses.
Très réservé à l’égard de la Cour pénale internationale (CPI), désormais incontournable dans l’enceinte de l’Union africaine, Jacob Zuma n’a pas hésité une seconde à voler au secours du président centrafricain Bozizé lorsque ce dernier, menacé par une rébellion armée, a fait appel à lui en décembre 2012. Le fait que Bozizé ait été lâché par la France et soutenu de façon quelque peu ambiguë par ses voisins francophones – considérés à Pretoria comme autant de néocolonies – a encore accru la détermination sud-africaine à intervenir. En une semaine, 400 soldats de la Force de défense nationale d’Afrique du Sud (SANDF) ont été transportés à Bangui. Installés dans les locaux de l’école de police du Kilomètre 9, mais aussi à Bossembélé et à Bossangoa à l’intérieur du pays, ils n’ont aucun contact, ni avec les forces africaines multinationales présentes sur place, ni avec l’ONU, ni bien sûr avec le contingent français. Jacob Zuma n’a de comptes à rendre à personne. Et ce ne sont pas les sociétés chinoises qui dans le plus grand secret opèrent depuis trois ans dans le nord-est de la Centrafrique, où des gisements de pétrole sont désormais avérés, qui s’en plaindront. Elles n’attendent qu’une protection sud-africaine pour démarrer les premiers forages.
Indépendant, afrocentré, rétif à toute leçon venue du Nord, nostalgique du non-alignement, ce Zuma-là a bien des points communs avec le nouveau président chinois, Xi Jinping, qui entamera fin mars par Pretoria une tournée africaine. Même si l’Afrique du Sud souffre comme les autres de la féroce concurrence économique de la Chine sur le continent, les convergences idéologiques entre les deux pays sont réelles.
Qu’on le veuille ou non, un nouveau front s’esquisse face aux Européens et aux Américains, offrant aux pays africains une alternative concrète. Il pourrait bien être irrésistible.
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