Cinéma – Fespaco 2013 : des femmes malgré tout

Alors que les réalisatrices sont encore peu nombreuses sur le continent, le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou les a mises à l’honneur lors de sa 23e édition.

Djamila Sahraoui, lauréate de l’Étalon d’argent du Fespaco 2013. © Érick Ahounou pour J.A.

Djamila Sahraoui, lauréate de l’Étalon d’argent du Fespaco 2013. © Érick Ahounou pour J.A.

Renaud de Rochebrune

Publié le 5 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

Les combattants islamistes du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest ont eu beau avoir menacé le Burkina, le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) a bien eu lieu sans incident du 23 février au 2 mars. Et a connu un certain succès. Lors de la soirée d’ouverture, quelques dizaines de milliers de chanceux ont assisté dans l’enceinte du stade du 4-Août à un beau spectacle dont la vedette était le Nigérian Flavour, digne émule de Fela Kuti.

Parmi les 101 films sélectionnés, vingt devaient concourir dans la section la plus prestigieuse, celle des longs-métrages de fiction, pour tenter d’obtenir le très prisé Étalon d’or de Yennenga, décerné à Alain Gomis pour son film Aujourd’hui. Mais certaines oeuvres projetées n’ont pas pu concourir, car elles n’ont pas été présentées en 35 mm, autrement dit en pellicule, comme l’impose le règlement du Fespaco, mais en numérique. D’où des polémiques qui ont agité quelque peu le microcosme cinéphile de Ouagadougou. D’où surtout un regret, car figurait parmi les recalés le prometteur Ici tout va bien, de l’Angolaise Pocas Pacoal, qui évoque le sort de deux jeunes soeurs angolaises réfugiées à Lisbonne où elles tentent de se construire une nouvelle vie.

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La sélection proposée était d’une qualité plutôt satisfaisante. Si l’Afrique du Sud a encore déçu (How to Steal 2 Million, de Charlie Vundla, est une caricature des films noirs américains), la production du Maghreb, Maroc en tête, a confirmé sa domination actuelle sur le continent. Les films les plus marquants ont été le plus souvent des longs-métrages déjà distingués dans des festivals internationaux (comme La Pirogue, du Sénégalais Moussa Touré, Les Chevaux de Dieu, du Marocain Nabil Ayouch, et Le Repenti, de l’Algérien Merzak Allouache, à Cannes, ou Aujourd’hui, du Sénégalais Alain Gomis, à Berlin). Mais pas toujours. Les Enfants de Troumaron, des Mauriciens Harrikrisna et Sharvan Anenden, sans craindre de montrer plein écran les ébats de deux femmes, évoquent la désespérance des jeunes de l’île Maurice et ne manquent pas de style. Et surtout, La République des enfants, de Flora Gomes (Guinée-Bissau) – l’un des films les plus attendus mais aussi les plus originaux -, raconte comment des adolescents prennent le pouvoir dans une grande ville africaine après une guerre civile ayant provoqué la disparition des adultes.

Antigone

De quoi parlaient les films en compétition ? De la violence et de la guerre (par exemple, avec au premier plan des héros des guerres d’indépendance, Le Grand Kilapy, de l’Angolais Zeze Gamboa, ou Zabana !, de l’Algérien Saïd Ould-Khelifa). De l’islam et son instrumentalisation (notamment dans les films marocains Les Chevaux de Dieu et, dans un registre hélas beaucoup moins talentueux, Love in the Medina, d’Abdelhaï Laraki). Des traditions (le plutôt décevant Collier du Makoko, du Gabonais Henri-Joseph Koumba Bididi). Mais surtout, thème dominant qui incluait parfois les précédents, des femmes, mises de surcroît à l’honneur par les organisateurs du festival, qui ont confié à cinq d’entre elles, initiative totalement inédite, la présidence des principaux jurys, dont le plus prestigieux dirigé par la célèbre réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy.

Si plusieurs films évoquaient ainsi sur un mode dramatique les difficultés qu’affrontent les femmes, notamment victimes de mariages forcés (Moi Zaphira, de la Burkinabè Apolline Traoré, et Toiles d’araignée, du Malien Ibrahima Touré), le plus remarqué d’entre eux est celui qui a fait l’ouverture du festival, Yema (« la mère »), de l’Algérienne Djamila Sahraoui. Il raconte avec une grande sobriété et une importante économie de moyens (pas de musique notamment) la tragédie que va vivre Ouardia, une femme qui va perdre successivement ses deux fils dans la guerre civile algérienne. L’aîné, son préféré, était officier de l’armée et a eu à affronter son cadet, chef d’un groupe islamiste. Ce dernier a-t-il été responsable de la mort du premier, comme en est persuadée cette mère dont le destin évoque celui de figures mythiques comme Antigone ou Médée ? Djamila Sahraoui a répondu sans détour à nos questions sur sa condition de femme cinéaste, un rôle encore très minoritaire dans l’univers du septième art.  >> Lire l’interview ici

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