Burkina Faso : Zéphirin Diabré, un destin à la Macky Sall ?
Alliant travail patient, modération et audace, le profil du nouveau chef de l’opposition, Zéphirin Diabré, présente des similitudes avec celui du président sénégalais. À un épisode électoral près.
Burkina Faso : comptes et décompte
Prudence, réserve, sens de la mesure. Tout, dans l’attitude et le discours du désormais chef de file de l’opposition burkinabè traduit la crainte d’être excessif et de laisser échapper le mot de trop. Comme par superstition, pas de triomphalisme chez le président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), le parti qu’il a créé en mars 2010 en vue des élections couplées de décembre 2012 (lire encadré). Pourtant, le succès était au rendez-vous, avec 19 députés et 1 615 conseillers municipaux élus. Du jamais vu pour un parti vierge de tout scrutin. « Nous avons besoin d’une plus grande implantation. L’UPC ne pèse que 12 % environ de l’opinion, il y a encore du travail », relativise cependant Zéphirin Diabré. Fausse modestie ou réel sentiment de pouvoir mieux faire ? Au Burkina, Diabré est en tout cas considéré comme l’homme qui monte. Et certains de ses compatriotes le comparent d’ores et déjà au président sénégalais, Macky Sall. Le profil des deux hommes présente, il est vrai, des similitudes.
Technocrates
Formés dans de grands établissements français (Institut français du pétrole pour Sall, École supérieure de commerce de Bordeaux pour Diabré), ils sont rentrés au pays sitôt leurs études terminées pour être propulsés à la direction d’une grande entreprise publique (la Société des pétroles du Sénégal pour Sall, les Brasseries du Burkina pour Diabré, de 1987 jusqu’à leur privatisation, en 1992). L’analogie se poursuit. L’un et l’autre intègrent ensuite le gouvernement. Le portefeuille des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique pour Sall ; pour Diabré, celui du Commerce, de l’Industrie et des Mines de 1992 à 1994, puis de l’Économie et des Finances jusqu’en 1996, et enfin la présidence du Conseil économique et social en 1996-1997. Avant de s’émanciper pour se construire une légitimité affranchie de la tutelle présidentielle. Enfin, les deux quinquagénaires partagent un léger déficit de charisme, compensé par leur statut de technocrates compétents et leur capacité à fédérer l’opposition. Fin de la comparaison.
Vent d’alternance
« Je me suis toujours demandé pourquoi on nous associait tous les deux, s’étonne Zéphirin Diabré, sourire en coin. C’est très flatteur pour moi, Macky Sall est une étoile de l’alternance à l’africaine. Mais je n’ai pas encore atteint son niveau. » Aveu implicite d’une ambition présidentielle ? Zeph’, comme on le surnomme, nie et invoque le choix collégial – « Je n’ai jamais dit que je serai candidat, ce n’est pas une question d’individu » -, sans forcément convaincre.
Dès mai 2009, Diabré se fait le chantre de l’« alternance » lors d’un forum très médiatisé, qui l’érige en présidentiable, la rumeur l’accusant alors d’être « un leurre à la solde du pouvoir ». Elle soupçonne aujourd’hui l’ancien directeur Afrique et Moyen-Orient d’Areva (2006-2011) d’être l’« homme des Français », ou celui des Américains (Diabré a été directeur général adjoint du Programme des Nations unies pour le développement [Pnud], à New York, de 1999-2006), à moins qu’il ne « roule pour les Chinois ! », en droite ligne avec sa tribune de 2011 appelant à des relations avec Pékin (alors que le Burkina est l’un des quatre pays africains à privilégier celles avec Taïwan). « Il faudrait savoir… », rétorque, amusé, le nouveau chef de l’opposition.
Comment l’UPC s’est taillé la part du lion
Dès sa création, six mois avant la présidentielle de 2010, l’Union pour le progrès et le changement (UPC) s’est donné pour mission de quadriller tout le pays. Excluant habilement de présenter un candidat à la magistrature suprême pour éviter un revers, le jeune parti a voulu d’abord gagner des députés et des élus locaux. Concentré sur les législatives et les municipales pendant deux ans, circonscription après circonscription, dans les villes et les villages, le « parti du lion » a installé ses correspondants, ralliant sous sa bannière quelques éminentes figures de l’opposition, tel Louis-Armand Ouali (ex-Rassemblement pour le développement du Burkina). L’UPC est parvenue à présenter des candidats dans 41 provinces sur 45 avec, partout, des affiches et des gadgets électoraux rivalisant avec ceux du parti majoritaire. Jusqu’à devenir, au soir du 2 décembre, la deuxième force politique du pays. A.P.
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