Burkina Faso : trop d’opposition tue l’opposition
Au Burkina Faso, lors des scrutins de décembre 2012, toutes les conditions étaient réunies pour que les partis extérieurs à la mouvance présidentielle prennent du poids. Mais c’est encore raté.
Burkina Faso : comptes et décompte
La moisson est maigre. Désespérément maigre. La proclamation des résultats des scrutins couplés du 2 décembre 2012 a fait l’effet d’une douche froide à la plupart des partis d’opposition. Mis à part l’Union pour le progrès et le changement (UPC, créée en mars 2010) de Zéphirin Diabré, qui, pour sa première participation, a raflé 19 sièges au Parlement, le nombre d’élus à l’Assemblée nationale et dans les conseils municipaux est bien en deçà des attentes pour les autres.
C’est ce qu’illustre le recul des deux formations qui tenaient le haut du pavé dans la confrontation électorale avec la majorité. D’une législature à l’autre, elles perdent chacune 1 siège au Parlement. Avec seulement 4 députés, l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/PS) de l’avocat Bénéwendé Sankara voit dans la foulée son rôle officiel de chef de file de l’opposition lui échapper. Quant à la représentation du Parti pour la démocratie et le socialisme, parti des bâtisseurs (PDS/Metba), de Hama Arba Diallo, elle s’est rétrécie comme une peau de chagrin et ne dispose que de 2 sièges dans l’hémicycle. Les autres formations d’opposition ne récoltent chacune, au mieux, que 1 siège, quand elles ne sont pas tout simplement absentes du Parlement. Perd ainsi son seul et unique siège le Parti de la renaissance nationale (Paren), du bouillant professeur Laurent Bado, lequel a peut-être commis l’erreur de faire campagne sans être lui-même candidat.
Petis moyens
Car dans ces élections, ce qui pouvait permettre de sauver l’honneur a été le plébiscite assuré des personnalités dans leur fief. Ainsi en a-t-il été de l’élection de Bénéwendé Sankara dans sa province natale du Passoré (dans la région Nord), de celle de Hama Arba Diallo dans sa circonscription nordique du Séno (Nord-Est) et de celle d’Ablassé Ouédraogo, candidat dans le Kadiogo (Centre) et seul élu à l’Assemblée nationale de sa jeune formation, Le Faso autrement. « Nous n’avions pas les mêmes moyens », avance l’ancien ministre des Affaires étrangères pour justifier la faible performance de son parti. Argument repris en choeur par les autres mouvements de l’opposition.
Les petites formations ne pouvaient pas rivaliser avec l’énorme capacité financière dont disposait le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir). « Le budget de l’Unir/PS tournait autour de 30 millions de F CFA », soit 45 700 euros, révèle, non sans une certaine fierté, Me Sankara, pour qui « l’opulence des moyens traduit l’incapacité des chefs ». Ablassé Ouédraogo soutient, lui, que « les fraudes et les achats de consciences ont été massifs ». Plusieurs partis ont d’ailleurs protesté contre des irrégularités constatées. Avec succès, puisque dans 691 bureaux de vote de 102 communes, le Conseil d’État a ordonné des élections municipales complémentaires, qui se sont tenues le 17 février – sans grand enthousiasme ni grand changement.
Pléthore
Que ces dysfonctionnements soient avérés ou non, ils ne doivent pas cacher les problèmes structurels intrinsèques au système partisan burkinabè, responsables en bonne partie des échecs répétés de l’opposition. Pléthorique, le nombre de partis (ils étaient 74 à présenter des candidats) déstabilise les électeurs, qui finissent par se perdre dans la multitude d’offres de différentes qualités proposées. Loin d’être un gage de vitalité démocratique, cette prolifération est le reflet d’un opportunisme et d’un amateurisme politiques que la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB), la chaîne de télévision nationale, a immortalisé dans un bêtisier de campagne, qui, lui, a été plébiscité. Quant aux formations sérieuses et crédibles, elles peinent encore à s’unir pour marquer plus de points, même si, lentement, elles convergent vers cette nécessité. Iront-elles assez vite pour le grand rendez-vous de 2015 ?
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