Burkina Faso : défi sécuritaire dans le Nord

À l’heure de la guerre au Mali, Ouagadougou doit se prémunir contre l’éventuel repli d’éléments jihadistes sur son territoire.

Une patrouille burkinabè à Markala, au Mali. © AFP

Une patrouille burkinabè à Markala, au Mali. © AFP

Publié le 13 mars 2013 Lecture : 4 minutes.

Burkina Faso : comptes et décompte
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Burkina Faso : comptes et décompte

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Vigilance, toujours. Et ce quelle que soit l’issue des opérations en cours au Mali. Longue de 1 000 km, la frontière avec le grand voisin malade présente un risque de perméabilité, en particulier sur les 600 km en contact avec la zone nord du Mali, qui était contrôlée depuis près d’un an par les islamistes. Et qui prendra du temps à être nettoyée.

Le 10 janvier, à la veille de l’intervention française dans le nord du Mali, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé, et celui de la Sécurité, Jérôme Bougouma (lire ci-contre), organisaient une rencontre avec le corps diplomatique accrédité au Burkina Faso. Objectif : rassurer. Et comme il l’avait déjà fait trois mois plus tôt, Bassolé, représentant le président Blaise Compaoré – médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans la crise malienne -, a réaffirmé le principe d’un « déploiement de forces antiterroristes d’un effectif de plus de 1 000 hommes dans le nord du Burkina Faso pour parer à toute éventualité ».

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Mise en garde

Annoncée une première fois le 10 octobre 2012 lors d’une réunion du même genre, la mesure ordonnée par le chef de l’État burkinabè à son état-major était venue confirmer que, dans le septentrion du pays des Hommes intègres, repose un enjeu sécuritaire de taille. Cette première adresse intervenait à un moment où les rumeurs les plus folles circulaient. D’abord sur l’existence d’une liste d’Européens vivant au Burkina qui pourraient constituer des cibles potentielles de rapts. Puis sur une tentative d’enlèvement avortée d’employés d’une ONG opérant dans la région. Pour ne rien arranger, les autorités américaines déconseillaient dans le même temps à leurs ressortissants de se rendre dans le nord du Burkina. En effet, dans une notice du 5 octobre 2012, le Bureau of Diplomatic Security expliquait qu’« Al-Qaïda au Maghreb islamique [Aqmi] ou ses affiliés pourraient prendre pour cibles les Occidentaux présents dans cette région aux frontières poreuses avec le Mali et le Niger ».

Comment s’assurer que des combattants islamistes n’entrent pas dans les camps de réfugiés ?

Fin septembre 2012, le ministre burkinabè de la Sécurité avait déjà adressé une mise en garde aux organisations étrangères opérant dans le nord du pays, conseillant au personnel occidental de se replier vers les grandes villes. « Une simple mesure de prudence », tempère son auteur, après avoir assuré qu’il n’y a « ni liste ni tentative de kidnapping concernant des Occidentaux ». « Ce qui est important, au-delà de cette prudence, c’est qu’ils soient informés sur les mesures sécuritaires en vigueur pour les accompagner dans leur mission : la possibilité de bénéficier d’une escorte et la nécessité pour eux de nous signaler leur présence », explique Jérôme Bougouma.

Proximité

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Sûr du dispositif mis en oeuvre, le ministre assure que tout individu est systématiquement repéré et suivi dès qu’il dépasse l’axe allant de Dori à Djibo (villes du Sahel situées à 200 km à l’est et au nord de Ouagadougou). Il ajoute qu’une police de proximité a été mise en place dans cette partie du pays et que les populations ont fait l’objet de missions de sensibilisation afin d’alerter les autorités si elles croient déceler des mouvements suspects.

Mais la plus grande préoccupation concerne les camps de Mentao et Ferrerio, qui, mi-février, accueillaient respectivement 8 000 et 30 000 réfugiés. Comment s’assurer que des individus subversifs ne s’y introduisent pas ? Selon le ministre de la Sécurité, le problème a été résolu : « Nous sommes présents dans les camps. Au niveau de la frontière, les points de passage sont contrôlés. Tous les nouveaux entrants sont fouillés afin de s’assurer qu’ils ne transportent pas d’armes sur eux, c’est la condition de leur passage. » Dernier verrou posé pour endiguer les éventuelles infiltrations : le déploiement des 1 000 hommes du Groupement des forces antiterroristes (GFAT). Décidée en octobre, la mise en place de ces forces burkinabè a été accélérée avec le lancement de l’opération Serval par l’armée française, le 11 janvier 2013, au Mali. Depuis, les hommes du GFAT sont mobilisés dans la zone frontalière nord, où ils effectuent des missions de reconnaissance et des patrouilles, avec une attention particulière portée sur la ligne allant de Djibo à Dori. 

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Jérôme Bougouma, flic de l’éxécutif

Juriste de formation, professeur de droit et ancien conseiller juridique à la présidence, Jérôme Bougouma, 49 ans, est de presque tous les gouvernements burkinabè depuis janvier 2006, date de sa première nomination au portefeuille du Travail et de la Sécurité sociale. En janvier 2011, c’est le maroquin de l’Administration territoriale et de la Sécurité qui lui échoit et, avec lui, la gestion de dossiers sensibles. Un signe de confiance du chef de l’État. Lorsque survient, quelques mois plus tard, la crise au sein de l’armée, le ministre de la Sécurité joue sa partition et calme le jeu. Ce qui lui vaut reconduction sur reconduction. Pour justifier sa renonciation au siège de député qu’il avait remporté aux législatives de décembre dernier, Bougouma affirme : « Je suis un homme d’exécutif. » De là à en prendre la tête un jour… Il n’y a qu’un pas, que l’intéressé affirme n’avoir jamais songé à franchir. A.P.

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