Burkina Faso : un voisin pas comme les autres

Publié le 15 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

Burkina Faso : comptes et décompte
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Burkina Faso : comptes et décompte

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Au fil des années, Blaise Compaoré s’est imposé comme le principal médiateur des crises ouest-africaines, reprenant une fonction jadis dévolue au président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. On ne compte plus ses interventions, en Guinée, au Niger, au Togo, en Côte d’Ivoire et aujourd’hui au Mali. Des médiations, facilitations ou arbitrages qui font toujours couler beaucoup d’encre.

Ses thuriféraires louent ses qualités de diplomate et la justesse de ses solutions de sortie de crise, quand ses détracteurs dénoncent ses ingérences intolérables aux visées politico-affairistes. « On ne peut pas regarder brûler la case du voisin sans être préoccupé », justifiait Djibrill Bassolé, son très fidèle sherpa et ministre des Affaires étrangères, en février 2012, juste après les premières attaques du Mouvement national de libération de l’Azawad au Nord-Mali. Un an plus tard, la médiation politique du locataire du palais de Kosyam n’a pas permis d’éviter la guerre, et le Burkina, qui la préparait secrètement, s’est engagé militairement aux côtés des forces françaises et africaines. « Notre médiation n’est pas morte pour autant, indique un proche du chef de l’État. Le temps de la politique s’imposera de nouveau si l’on veut une paix durable. »

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Car pour le président burkinabè ces crises sont avant tout politiques. Un domaine où il ne manque pas de savoir-faire. Ce stratège se sert même de ses médiations pour peser sur le cours du destin de ses voisins. En jouant au passage pour les siens. À la tête d’un État de 17 millions d’habitants enclavé et pauvre, Compaoré sait son pays vulnérable au moindre choc régional. Et qu’il a besoin des autres pour (sur)vivre.

La longue crise ivoirienne, qui a connu son apogée en 2011, a eu de lourdes conséquences sur l’économie nationale (retour de travailleurs au Burkina, baisse des transferts financiers de la diaspora…) et a déstabilisé son régime, qui a failli être emporté par un soulèvement militaire. La nouvelle menace vient du Mali, avec lequel le pays partage plus de 1 000 km de frontière. Elle est d’abord sécuritaire. « Servant de base pour les attaques aériennes françaises contre les rebelles et fournissant des troupes à la mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina est désormais particulièrement exposé aux risques de représailles », indiquait en janvier l’agence Standard & Poor’s. Et d’identifier des cibles possibles, comme les mines d’or situées près de la frontière malienne. De telles attaques se traduiraient par une baisse des recettes et une rupture des approvisionnements, renchériraient le coût de la sécurité des sites et mettraient en péril les investissements étrangers. Pour parer l’infiltration de combattants jihadistes, les autorités ont déployé un millier d’hommes à la frontière et surveillent les camps de réfugiés.

Les considérations économiques et sécuritaires sont loin d’être les seules à compter. Le chef de l’État burkinabè, catholique et profondément laïque, n’a aucune envie de voir s’installer à sa porte un régime islamiste qui érige en vertu une application radicale de la charia. « Il ne faut pas laisser le fantôme entrer dans sa maison », a déclaré un autre de ses proches, Arsène Bongnessan Yé, le ministre chargé des Relations avec le Parlement et des Réformes politiques. L’État tente de contrôler les activités des médersas, les écoles coraniques, pour qu’on y enseigne la tolérance. La cohabitation religieuse et la cohésion sociale du pays sont en jeu. Pour l’instant, musulmans et catholiques vivent dans un bon esprit, même si certains groupes minoritaires ont tendance à jeter de l’huile sur le feu. Au Mali comme chez lui, Compaoré prône une politique de bon voisinage.

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