Tunisie : vous avez dit « jasmin » ?
Griffonnée sur les murs, susurrée ou clamée, l’expression « vive Ben Ali ! » (sincère, cette fois) fait un retour en force un peu plus de deux ans après le début du Printemps arabe – qui s’est révélé être un automne -, déclenché en janvier 2011 par la « révolution du jasmin », de Sidi Bouzid à Tunis.
Hélas, les Tunisiens se rendent compte aujourd’hui qu’il n’y a pas de révolution, encore moins de jasmin… Depuis la prise du pouvoir par le parti-mosquée Ennahdha, les suicides se multiplient à la vitesse de la hausse des prix. Les hôtels se vident, les usines mettent la clé sous la porte. Les investisseurs étrangers prennent la poudre d’escampette, les Tunisiens aussi (vers le Maroc et l’Algérie). Mendiants et miséreux envahissent les trottoirs. Les fumées noires indiquent, çà et là, la crémation d’une usine ou d’une ambassade (celle des États-Unis). Les tueurs en série sont plus performants depuis deux ans que les buteurs de l’équipe nationale de football. Tunisair accuse des retards et réduit ses effectifs. Le dinar, véritable monnaie de singe, glisse plus vite que Katarina Witt.
La Constitution, tant attendue, n’est toujours pas écrite ; les lois sont bafouées ; les mausolées (centenaires), pillés. La pluie se fait rare, les bikinis ont disparu. Une chape de plomb écrase la poitrine du citoyen. Djerba, l’île des lotus, croule sous les ordures. La prostitution clandestine et le commerce des stupéfiants vont bon train. Même les matchs de foot, ultime refuge des citoyens lambda, se jouent à huis clos. Le théâtre se résume à des one-man-show, les livres se cantonnent aux Mémoires et autres témoignages. Sur les routes, les sens interdits n’ont plus… de sens. De mystérieux véhicules américains Hummer aux vitres teintées sillonnent le territoire. Les salles de cinéma n’existent plus, les couteaux à cran d’arrêt ont remplacé le lait, et les pistolets, le miel. Le niqab s’est substitué à la minijupe, et les barbes hirsutes envahissent les visages. À ce rythme, même les femmes auront bientôt leur propre barbe…
Régression
L’État tunisien marche assurément sur la tête. À preuve, un ministre qui a échoué à l’Intérieur est promu chef du gouvernement ! Aujourd’hui, il y a moins de riches et plus de pauvres. La mayonnaise de la Troïka n’a pas pris nonobstant l’arrogance de Rached Ghannouchi, le look BCBG de Mustapha Ben Jaafar et les simagrées de Moncef Marzouki.
Loin de moi l’idée de défendre Ben Ali et ses sbires, ou sa femme et ses acolytes. Mais force est de constater que, depuis le départ (forcé) de l’ex-président, la Tunisie a régressé sur tous les plans (sauf celui de la liberté d’expression). Il n’y a qu’à regarder l’emploi, le taux de croissance, le chômage, le tourisme, l’inflation, la sécurité, la diplomatie, l’endettement. La liste est longue… Tout observateur honnête a le devoir de le relever et de dire, au risque d’être traité de contre-révolutionnaire, « oui, la Tunisie se portait mieux sous Ben Ali (malgré ses quarante voleurs) » : les villes étaient propres, les jardins arrosés, la police respectée, Ghannouchi était à Londres et Marzouki à Paris, les denrées alimentaires étaient abondantes. Et 7 millions de touristes (par an) se doraient la pilule devant la grande bleue.
Pour paraphraser la perle apocryphe, « la Tunisie était au bord du gouffre. Depuis, elle a fait un grand pas en avant ».
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