Christophe Jacquin : « Aggreko ne se substitue pas aux compagnies d’électricité africaines »

Aggreko, leader mondial des services d’alimentation électrique temporaire, a réussi une percée remarquable à travers le continent cette année. Christophe Jacquin, son directeur général Afrique du Nord et de l’Ouest revient pour « Jeune Afrique » sur l’ambition et l’expérience africaine du groupe britannique.

Christophe Jacquin est le directeur général Afrique du Nord et de l’Ouest de Aggreko. © Aggreko

Christophe Jacquin est le directeur général Afrique du Nord et de l’Ouest de Aggreko. © Aggreko

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Publié le 17 décembre 2013 Lecture : 6 minutes.

Entre juillet et novembre 2013, le groupe britannique Aggreko, leader mondial des services d’alimentation électrique temporaire a réalisé cinq opérations d’envergure en Afrique du Nord et du Sud. De l’installation d’une nouvelle centrale de 100 mégawatts (MW) en Côte d’Ivoire à la signature d’un contrat d’installation et d’exploitation d’une centrale électrique mobile de 20 MW au Tchad, en passant par la fourniture de 50 MW d’électricité supplémentaire à la Guinée. Christophe Jacquin, le directeur général d’Aggreko en Afrique du Nord et de l’Ouest, revient pour Jeune Afrique sur l’expérience africaine de son groupe.

Jeune Afrique : Pouvez-vous présenter l’activité de Aggreko ?

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Aggreko provides turn-key power packagesChristophe Jacquin : Aggreko fournit des solutions électriques temporaires clés en main, qu’il s’agisse de solutions de location d’énergie ou de solutions de régulation de température. Nous disposons d’une large gamme de groupes électrogènes et notre parc de location est le plus vaste au monde. Et nous assurons, entre autres, la mise en service, la gestion du carburant et le suivi technique de nos installations.

Aggreko a remporté plusieurs contrats en Afrique ces derniers mois. Qu’est-ce qui vous a finalement convaincu d’investir le continent ?

Si historiquement Aggreko s’est développé dans les pays européens et en Amérique du Nord, nous avons une présence en Afrique depuis près de 50 ans. En revanche nos interventions « sérieuses » sur le continent datent d’une dizaine d’années. C’est nous qui sommes en retard.

Mais le recours à Aggreko n’est-il pas une solution d’urgence, voire court-termiste de la part des États africains ?

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Recourir à une solution temporaire n’implique pas un manque de coordination et de planification. Bien au contraire ! Lorsque nous sommes intervenus en Tunisie récemment pour apporter une solution électrique permettant de répondre au pic de chaleur en été, notre projet a été planifié et programmé bien en amont, des mois avant l’installation. Et n’allez pas croire qu’il n’y a que les pays africains qui aient besoin de gérer des pics de demande. En France, pendant les pics de demandes hivernales, les industriels sont amenés à délester et à réduire leur consommation d’électricité.

Prenez un pays comme le Tchad, pour mettre en place une bonne solution d’électricité thermique, il faut environ 4-5 ans : le temps de préparer et passer les appels d’offres, de négocier les contrats et d’amorcer les travaux. L’avantage d’Aggreko, c’est que notre matériel est déjà disponible. Il peut être déployé rapidement. Ça peut servir de solution-relais le temps que d’autres projets plus lourds soient préparés.

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Ce qu’il est important de noter, c’est que nous ne nous substituons pas aux compagnies nationales électriques. Lorsqu’un État recourt à nos services et chaque fois que possible, nous nous installons dans les centrales des producteurs nationaux.

Vos projets en Afrique sont-ils différents de ceux que vous développez en Europe ?

Aggreko n’a aucun regret en Côte d’Ivoire. Aucun !

Sur un point : la fluidité. Le marché européen est plus fluide. Nous pouvons ajuster notre offre à la semaine, au kilowatt près.

Nous ne sommes pas encore là en Afrique, mais on évolue rapidement vers cette même fluidité. Cela implique d’avoir des stocks de conteneurs sur place et d’être prêts à répondre de façon plus adaptée aux besoins de nos clients. Si on est capable d’avoir des stocks en Espagne, il n’y a pas de raisons qu’on n’en ait pas au Nigéria.

Mais vos interventions dans les pays africains ne se sont pas toujours déroulées sans difficultés. Aggreko a été contraint, par exemple, de réduire le coût de l’électricité facturée à l’État ivoirien

Nous n’avons aucun regret en Côte d’Ivoire. Aucun ! Durant la crise que le pays a connue, à part Ciprel, il n’y pratiquement pas eu de puissance électrique ajoutée. Le parc installé n’a pas vraiment évolué. Pour cette raison, les efforts entrepris par le gouvernement pour accroître le parc installé sont importants et nécessaires. La Côte d’Ivoire a demandé à tous les acteurs de faire des efforts, aux producteurs, aux gaziers, à tout le monde. Aggreko a fait sa part.

Et puis, on l’oublie souvent, ce qui coûte le plus cher, c’est le combustible, ce n’est pas nous. Et nous sommes prêts, lorsque l’occasion se présente, à proposer des solutions très innovantes aux États.

C’est-à-dire ?

Prenons le cas de notre projet au Tchad : il se trouve que Aggreko est aujourd’hui le seul fournisseur de groupes électrogènes à même de fonctionner au fuel lourd (HFO). C’est la solution que nous avons proposé à ce pays. Non seulement cela a permis de réduire le coût des intrants – puisque ce carburant est moins cher – mais surtout le combustible est produit au Tchad même ! Ce mécanisme peut générer entre 25 et 30 % de réduction sur le prix du kilowatt-heure (kWh).

Au Sénégal, Aggreko assure 100 % de la production électrique au gaz en coordination avec l’opérateur Fortessa. Nos solutions sont suffisamment modulaires pour qu’avec même de très petites quantités de gaz, nous puissions quand même produire de l’électricité.

À suivre les annonces d’Aggreko, il semble que vos clients en Afrique soient principalement les États.

Non, nous avons de nombreux clients privés à travers le continent. De très importants acteurs du secteur minier et pétrolier, des cimenteries etc. font appel à nous. Ce n’est pas la tradition de notre entreprise de communiquer sur ces contrats.

Nous sommes aussi présents dans l’évènementiel : la Coupe du monde de football et la CAN [NDLR : Coupe d’Afrique des Nations] en Afrique du Sud, la CAN au Gabon et au Burkina Faso, pour tous ces évènements, Aggreko a fourni la couverture électrique nécessaire.

Pourtant les offres nationales existent…

232 MW Gas Plant Mozambiqueborder: 0px solid #000000; float: left;" />Nous avons assuré la couverture des Jeux Olympiques de Londres, sans qu’on puisse dire que le réseau électrique de l’Angleterre soit déficient. L’un de nos plus gros clients en France est EDF.

Si les industriels en Afrique et ailleurs font appel à nos services, c’est aussi parce que produire de l’électricité est un métier. Les incertitudes sur la durée des investissements, l’expertise en matière de gestion et de maintenance des installations et même le coût de production de l’électricité qui peut varier fortement, ce sont des facteurs importants que les industriels prennent en compte. Alors plutôt que d’internaliser cette production, Aggreko leur offre une alternative facilement déployable, avec l’expertise de nos équipes et notre soutien technique.

Par ailleurs, générer l’électricité n’est pas tout, il faut la transporter. Pour un pays qui développe son réseau, ce sont des investissements conséquents.

Le temps que ces réseaux électriques soient déployés, l’activité économique doit bien continuer. Une cimenterie ou une mine qui tournent à plein régime ne peuvent pas prendre le risque de dépendre entièrement des aléas de la production nationale, des délestages ou du manque d’interconnexions.

Au-delà de la fluidité de l’approvisionnement ou de la gestion des stocks, quels sont les difficultés particulières que vous rencontrez en Afrique ?

Elles sont liées pour beaucoup au fait que le tissu industriel est plus faible, les sous-traitants potentiels sont moins nombreux ce qui nous pousse à intégrer beaucoup d’activités. Il y a ensuite la question de la distance. Nous devons donc mobiliser plus de moyens et disposer de nos propres ateliers de réparation et d’installation des machines, par exemple. Nous devons également investir dans la formation de nos équipes.

Quelle est la part des employés africains dans vos équipes ?

Nous avons environ un millier de salariés en Afrique, en comptant les sous-traitants, et 90 % de nos employés sur le continent sont africains. Il y a encore dix ans, la plupart des cadres dirigeants étaient des expatriés, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous avons mis en place un programme de formation à Abidjan en 2012 qui permet aux jeunes recrues de s’initier à nos équipements mais aussi d’être intégrés pleinement au développement de l’entreprise, y compris à l’international. Certains membres de la première promotion d’Abidjan sont aujourd’hui dans nos équipes au Bangladesh.

Par ailleurs, nous sommes en partenariat avec l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2IE) et finançons un programme de bourses d’études destiné à encourager les jeunes filles à passer du secondaire vers cette école.

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