L’offensive américaine sur les métaux critiques africains

Les États-Unis cherchent à diversifier leur chaîne d’approvisionnement en minéraux stratégiques, essentiels à la révolution énergétique.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken pendant la réunion du Partenariat pour la sécurité des minéraux à New York, le 22 septembre 2022. © Craig Ruttle / POOL / AFP

Publié le 1 octobre 2022 Lecture : 4 minutes.

L’Occident cherche à réduire sa dépendance à la Chine et à la Russie, dans les domaines des matières premières et de l’énergie. Les pays producteurs du continent africain espèrent bénéficier de normes environnementales, sociales et de gouvernance plus contraignantes, pour profiter de leurs ressources.

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Cette équation était au menu de la réunion du Partenariat pour la sécurité des minéraux qui s’est tenue le 22 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Autour de la table, les partenaires habituels des États-Unis, l’Australie, le Canada, la Finlande, la France, l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud, la Suède, le Royaume-Uni et la Commission européenne. Mais aussi des pays riches en minerais désireux de bénéficier du financement et du savoir-faire des pays développés pour intensifier l’exploitation de leurs terres rares. Parmi ces invités : la RDC, le Mozambique, la Namibie, la Tanzanie et la Zambie.

Ressources contre savoir-faire

« De notre côté, nous cherchons à diversifier nos chaînes d’approvisionnement ; quant à nos partenaires, ils veulent progresser dans leur développement », explique José Fernandez, le sous-secrétaire d’État à la croissance économique, à l’énergie et à l’environnement. Une situation qui permet aussi aux États-Unis d’éviter un nivellement par le bas dans leur compétition avec la Chine : « Nous ne soutiendrons pas l’investissement d’un pays consommateur dans un pays producteur, à moins qu’il ne respecte les normes les plus élevées. Si nous faisons les choses correctement, tout le monde est gagnant ».

José Fernandez était accompagné du secrétaire d’État Antony Blinken, et de la présidente de l’Export-Import Bank of the United States, Reta Jo Lewis, une banque qui joue un rôle clé dans le partenariat en finançant la résilience de la chaîne d’approvisionnement. « Trop souvent, la relation entre les pays producteurs et les pays acheteurs de minéraux se caractérise par des conditions de travail abusives », a déclaré Antony Blinken dans son discours d’ouverture. « Trop souvent, cette relation laisse derrière elle un environnement dégradé, et des communautés dévastées », a-t-il martelé.

Pour le secrétaire d’État, ce partenariat ne consiste pas seulement à améliorer les pratiques minières, mais aussi à faire en sorte que les pays en développement commencent à bénéficier pleinement de la transformation de leurs ressources brutes. « Nous voulons nous assurer que les pays riches en minéraux profitent de chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, de l’extraction au recyclage en passant par le traitement. C’est comme ça que nous nous assurerons que chaque projet sert réellement vos communautés et élève vos citoyens. »

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Écho favorable

Un tel message trouve évidemment un écho favorable dans les pays africains concernés. « Nous nous préoccupons de savoir qui nous aide [et s’ils] partagent […] la vision de mon peuple et de notre pays car pendant très longtemps, nous avons juste envoyé nos minéraux sous leur forme brute dans le monde entier », commente Chipoka Mulenga, le ministre zambien du Commerce, de l’Artisanat et de l’Industrie.

Il estime que les États-Unis pourraient être un allié précieux alors que la Zambie est en train de s’associe à son voisin, la RDC, pour développer une usine de batteries électriques à la frontière. Cette frontière, si riche en minéraux, produit plus de 70 % du cobalt mondial, dont 95 % sont exportés sous forme brute, privant pourtant les deux pays voisins de revenus considérables. Chipoka Mulenga a rencontré José Fernandez le 21 septembre, en compagnie de son homologue congolais : « Il y a de très bons points à retenir de cette réunion. Le sous-secrétaire d’État a dit des choses qui m’ont beaucoup éclairé, et qui nous ont ouvert l’esprit sur la manière dont nous devrions procéder. […] Je pense que l’Amérique ne serait pas un mauvais partenaire pour faire des affaires ».

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Une implication cruciale

À Windhoek aussi, on réfléchit à transformer sur place de vastes réserves de terres rares, telles que le dysprosium et le terbium utilisés dans la fabrication des éoliennes. La Namibie cherche à déployer des actifs d’énergie renouvelable en masse, pour incuber une industrie des carburants synthétiques.

La participation au Partenariat pour la sécurité des minéraux pourrait améliorer l’accès des pays africains aux capitaux et aux marchés d’écoulement, et présenter « des possibilités intéressantes de collaboration en matière de partage des technologies », estime James Mnyupe, conseiller économique du président namibien Hage Geingob. « Pour des pays comme le nôtre, c’est très important, car le déploiement de financements mixtes permet de réduire le coût du capital pour ces projets, mais aussi de réduire les risques liés à la production des minéraux », a-t-il déclaré. Outre les États-Unis, l’Australie et l’Union européenne ont eu des discussions avec la Namibie.

Économie verte

Pour la ministre tanzanienne des Affaires étrangères, Liberata Mulamula, ce Partenariat représente la plus grande implication des États-Unis dans le secteur des minerais africains depuis l’adoption de la loi Dodd-Frank de 2010, qui oblige les sociétés cotées aux États-Unis à divulguer leur utilisation de « minerais de conflit », c’est-à-dire l’étain, le tungstène, le tantale et l’or. « Je pense qu’ils s’intéressent maintenant à la manière dont ils peuvent s’associer, mais aussi nous aider », a expliqué Liberata Mulamula. « Ils disent qu’il est important d’établir un lien entre la production de minerais et la transition du secteur de l’énergie, l’économie verte. Ils examinent donc la question de la valeur ajoutée, du recyclage, du traitement, dans le respect des normes et des critères de référence. »

Chipoka Mulenga s’est aussi dit convaincu, « au-delà de tout doute raisonnable », que les États-Unis sont sérieux dans leur volonté de développer une industrie africaine de traitement des minéraux. « Nous voulons remercier le secrétaire Blinken d’avoir organisé cette réunion. Cela montre exactement qu’ils pensent à l’avenir, qu’ils voient où ils peuvent exploiter les opportunités et soutenir des pays comme le mien. »

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