MC Jean Gab’1 : sang et lumière

Dur et tendre, ancien repris de justice et rapeur, ce Français d’origine camerounaise signe une autobiographie à fleur de peau.

MC Jean Gab’1 ou Jean Gabin, rapeur et acteur © Yann Rabannier/J.A.

MC Jean Gab’1 ou Jean Gabin, rapeur et acteur © Yann Rabannier/J.A.

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 4 mars 2013 Lecture : 4 minutes.

Le bon, la brute et le truand… Voilà qui pourrait résumer MC Jean Gab’1. Solide gaillard de 46 ans à la gouaille sortie tout droit d’un dialogue de Michel Audiard, le rapeur et acteur français est un dur, un vrai. De la trempe de ceux qui foncent tête baissée, parce que rien ne saurait les détourner de leur route. Quand bien même la prison ou la mort les attendrait au bout du chemin.

Le trou, Jean Gab’1 en maîtrise si bien les codes qu’il a pu, parfois, s’y sentir chez lui. Braqueur de banques, trafiquant d’armes, de cocaïne, proxénète, Charles M’Bouss, de son vrai nom, n’a pas vraiment le profil du gendre idéal. Et pourtant, ses trois premiers séjours derrière les murs de Fleury-Mérogis, ce fils de Camerounais, venus gagner leur vie en France dans les années 1960, les a accomplis pour des actes dont la justice l’exonérera plus tard. De quoi accentuer le gouffre qui sépare l’apprenti gangster de la société. « Grâce ou à cause de la justice et de ses corbacs bienveillants, j’étais révolté, comme seuls des séjours en prison peuvent te rendre, et j’allais faire des rencontres qui verrouilleraient mon esprit en mode criminel », écrit Jean Gab’1 dans une autofiction qui vient de paraître*.

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Aspiré par les abîmes du crime, cet adepte de boxe, de lutte et de krav maga (méthode d’autodéfense israélienne) ne recule devant rien. Et en veut toujours plus. Par le hasard d’une rencontre, il se retrouve à Berlin, où il braque banques et bijouteries. Cette fois, c’est la prison pour de bon et pour trente-trois ans. Il en fera huit. La mort, elle, a toujours plané sur son destin. Dès ses 10 ans. Quand son père assassine sa mère, un jour de mai 1977. « À cet instant-là […], le monde m’a perdu, confie-t-il, lucide. Je suis mort-vivant depuis […]. L’envie d’en finir ne m’a jamais quitté. » Toute l’histoire de Jean Gab’1 est désormais une fuite en avant, une course effrénée et autodestructrice. « Une fois que je suis lancé, rien ne peut plus m’arrêter. J’ai vécu à 200 à l’heure, explique-t-il aujourd’hui. C’est une attitude suicidaire. »

Le père en prison, la fratrie de treize enfants est placée à la Ddass, où le petit Charles va « apprendre la haine et l’ennui ». Le racisme, aussi. Et l’injustice chez les bonnes soeurs qui l’enferment dans une cave noire après qu’il s’est confessé. Première expérience de l’emprisonnement. Pour surmonter sa peur, il se parle à lui-même. C’est cette technique qui lui permettra de survivre à ses années passées en « calèche » et qui développera son talent de conteur de rue. Le phrasé aguerri, le verbe cru, la voix grave, Jean Gab’1 a une tchatche faite pour le rap – Doc Gynéco en est convaincu. Son truc, ce n’est pas le verlan des jeunes banlieusards, mais l’argot des titis parisiens, celui des Tontons flingueurs. Et quand il enregistre son premier succès, J’t’emmerde, c’est pour régler ses comptes avec le milieu du hip-hop français, avec qui il a maille à partir. Grâce à l’acteur français d’origine marocaine Saïd Taghmaoui, Jean Gab’1 tourne dans quelques films (Chacun cherche son chat, Banlieue 13…) et gagne sa vie honnêtement pour la première fois !

De quoi l’encourager à s’extraire de cette spirale infernale qui l’emporte depuis le meurtre de sa mère. À sa sortie de prison en 1994, il a besoin d’un exutoire et se met à écrire. « Je ne me sentais pas les burnes suffisantes pour pondre un bouquin, avoue cet écorché vif. Mais en lisant Chester Himes et Iceberg Slim, je me suis dit que je n’étais pas obligé d’écrire comme Dumas. » Jean Gab’1 se met à nu. « C’est vrai, admet-il, j’ai du raisiné sur les paluches. On vit avec ça comme un boucher qui dépèce un cochon.[…] Mais tout ce que j’ai fait, je peux l’assumer devant un tribunal et devant ma fille. » S’il n’a pas perdu toute son humanité, c’est grâce à sa grand-mère. « Elle est morte quand on a tué sa fille. Elle est alors venue en France pour nous. Elle n’avait pas d’argent, créchait dans une chambre de bonne. Elle a fait en sorte que je sache que je viens un peu du Cameroun, qu’il n’y avait pas que de la blanquette de veau dans mon histoire. »

Avec Sur la tombe de ma mère, Jean Gab’1 est entré en littérature comme d’autres montent sur un ring, avec une rage de terrasser ses adversaires et de vaincre ses démons. Son livre est une revanche et un appel au secours. L’auteur le reconnaît à demi-mot : « Il ne me reste plus que quatre ans pour m’en sortir. Si je n’y suis pas arrivé à 50 ans, c’est que j’aurai tout foutu en l’air. J’ai fait 55 % du chemin. Ce qui me manque le plus pour y arriver : un bon entourage… et un agent qui me propose autre chose que des rôles de bamboula. » Il lui faudra aussi parvenir à faire le deuil de sa mère. Difficile sans pouvoir se recueillir sur sa sépulture. « Ma mère a été inhumée au Cameroun, mais personne de ma famille ne sait où, car mon daron, ce trou de balle, n’a rien trouvé de mieux que de se sauver avec la pierre tombale. Mais j’irai et je trouverai, c’est mon devoir. » Le combat continue.

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