Zlatan se la raconte

Jeunesse turbulente, goût pour la bagarre, rapports pas toujours simples avec ses entraîneurs et ses coéquipiers… Le livre à succès qu’il vient de publier le confirme : la star suédoise, Zlatan Ibrahimovic, est mégalo.

Zlatan Ibrahimovic, la star du PSG (France). © AFP

Zlatan Ibrahimovic, la star du PSG (France). © AFP

Publié le 28 février 2013 Lecture : 6 minutes.

« Seul Dieu peut me juger. » La sentence empruntée au rapeur californien Tupac Shakur est tatouée sur le flanc gauche de Zlatan Ibrahimovic. En guise d’avertissement à la terre entière. Ce que les autres pensent de sa carrière jalonnée d’incartades et de (mini)scandales, le footballeur s’en moque comme de sa première paire de crampons. Une seule opinion trouve grâce à ses yeux : la sienne.

On comprend que, pour répliquer aux commentaires pas toujours complaisants des médias, il ait choisi de se raconter avec pour seul interlocuteur le journaliste et romancier David Lagercrantz, suédois comme lui. Récemment traduit en français, Moi, Zlatan Ibrahimovic tente d’imposer l’image que l’attaquant vedette du Paris Saint-Germain se fait de lui-même. Il y revient sur le parcours qui l’a tour à tour conduit de la banlieue de Malmö, sa ville natale dans l’extrême sud de la Suède, au Parc des princes, à Paris, en passant par le Camp Nou à Barcelone, l’Amsterdam Arena (le stade de l’Ajax), le Stadio delle Alpi, à Turin (celui de la Juventus) et le Stadio Giuseppe Meazza, à Milan.

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"Zlataner"

Inventé par Les Guignols de l’info, sur Canal+, ce néologisme désigne tout ce que le joueur suédois a l’habitude de faire sur un terrain : marquer un but (zlataner du droit, du gauche, de la tête) ou tacler un adversaire. Il a été repris par le très sérieux Conseil de langue suédois, dans une acception un peu différente : « se charger de quelque chose avec vigueur, dominer. »

Le ton général de l’ouvrage est d’une rare arrogance. Mais aussi d’une grande franchise, qui n’épargne personne, pas même sa famille, à l’égard de laquelle il nourrit un curieux mélange d’affection débordante et de ressentiment. Fils d’un concierge bosniaque et d’une femme de ménage croate, Zlatan a été élevé à la dure dans un environnement familial très vite déchiré. Les parents divorcent, les coups pleuvent sur les (nombreux) enfants, l’amour maternel est peu démonstratif.

Enfoiré

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« Il n’y avait pas à la maison de conversation civilisée à la suédoise, du type "chéri, s’il te plaît, pourrais-tu me passer le beurre ?" C’était plutôt : "Va me chercher le lait, espèce d’enfoiré !" » rapporte, non sans humour, l’enfant terrible de Rosengard, le quartier difficile « plein d’immigrés » où il a grandi. Entre l’environnement tumultueux du domicile maternel et la compagnie d’un père solitaire, perdu entre « ses boulots intérimaires, sa guerre et la boisson », Zlatan perçoit très vite le foot comme un moyen d’évasion. « Je fuyais tout ça. Je restais dehors, je courais ou je jouais au football. Je n’étais pas vraiment le garçon le plus équilibré ou le plus prometteur. J’étais juste un de ces morveux qui tapaient dans la balle », confie-t-il encore.

Comment s’étonner de la rage, de la farouche volonté de revanche sociale qui, aujourd’hui encore, habite la star ? OEil pour oeil, dent pour dent. Blessure pour blessure. Meurtrissure pour meurtrissure. Vindicatif, Zlatan « n’oublie rien » et met un point d’honneur à rendre les coups reçus. Quand, bien sûr, il n’en distribue pas préventivement. La terrible rixe qui, en novembre 2010, l’opposa à l’entraînement à Onyewu Oguchi, son coéquipier belgo-américain du Milan AC – 1,95 m, l’un et l’autre -, en est le meilleur exemple. A posteriori, il reconnaît volontiers que son petit camarade et lui se seraient sans doute entretués si une douzaine de personnes n’étaient intervenues pour les séparer !

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Le terrain, « Ibra » le conçoit depuis toujours comme l’arène idéale où exprimer une violence – difficilement – contenue. Il transforme sa colère en buts – beaucoup de colère, beaucoup de buts. « Pour moi, ce qui se passe sur une pelouse doit rester sur la pelouse, estime-t-il. Vous seriez choqués d’entendre tout ce qui s’y dit. On s’insulte, on se donne des coups, c’est un combat permanent, mais pour nous, joueurs, c’est banal. […] Je répondais en jouant encore plus sèchement et méchamment. »

Montant cumulé de ses transferts : 172, 6 millions d’euros. C’est le joueur le plus cher de l’histoire.

Avec la presse, ses rapports sont à couteaux tirés. Là, la violence se mue en insolence. Peu enclin à l’autocritique, le joueur accuse les journalistes de lui avoir construit de toutes pièces la mauvaise réputation qui le poursuit de pays en pays. Alors, en représailles, il fanfaronne et lance à la cantonade d’inoubliables sentences. Que voulez-vous, « Zlatan is Zlatan ! ».

Numéro 9

Il ne supporte pas d’être comparé à qui que ce soit, fût-ce à Marco Van Basten, son idole néerlandaise, qui, à l’Ajax Amsterdam, portait comme lui le numéro 9. Il se voit comme le meilleur, l’unique, l’exception. Acheté en 2009 par le FC Barcelone pour la somme record de 69,5 millions d’euros, Ibra refuse de se laisser impressionner par l’aréopage de stars qui l’entourent. Et pour cause : il s’estime meilleur qu’elles. « Lionel Messi est génial […], totalement bluffant, concède-t-il au quadruple Ballon d’or. Mais il se trouve que j’étais là et que je marquais plus de buts que lui. » Si Pep Guardiola, l’entraîneur du Barça (à l’époque), finit par lui demander de changer de poste, c’est, estime-t-il, à la demande de l’Argentin, « jaloux » de ses performances.

Le livre s’ouvre d’ailleurs sur l’exposé de ses désaccords avec son ancien coach barcelonais, dont il critique vertement la faiblesse de caractère et les mauvais choix : « Zlatan, c’est comme si le Barça avait acheté une Ferrari et la conduisait comme une Fiat », dit-il, dans une triple allusion à l’insuffisance relative de ses performances avec le Barça, à sa revente à la Juventus de Turin (dont le propriétaire, la famille Agnelli, est aussi celui des deux célèbres marques automobiles) et à son goût immodéré pour la vitesse.

Seules les courses à 325 km/h au volant d’une luxueuse voiture de sport lui procurent l’adrénaline – et le sentiment de puissance – dont il a besoin hors des terrains. Mais, bien sûr, tout cela coûte cher. Très cher. « L’argent n’a jamais été essentiel », prétend-il. Reste que, tous transferts confondus, Zlatan Ibrahimovic est, avec 172,6 millions d’euros, le joueur le plus cher de toute l’histoire du football.?« Les gens l’oublient, dit-il encore, mais je ne suis pas un surdoué parvenu sur le devant de la scène européenne les doigts dans le nez. Je me suis battu contre le destin. » Ce combat-là, personne ne songera à le lui reprocher.

Des ventes en or

Énorme succès dès sa parution, en novembre 2011, Moi, Zlatan Ibrahimovic vient de franchir la barre des 700 000 exemplaires vendus en Suède. « C’est plus de 7 % de la population du pays », se vante le footballeur dans une interview au quotidien français Le Monde. En novembre 2012, le livre a même été sélectionné (avec cinq autres) pour le prestigieux prix August, dans la catégorie « essais ». Pour une fois, « Ibra » a manqué son coup, mais de peu. Le prix lui a échappé, mais le jury s’est félicité qu’il ait réussi à séduire une catégorie de lecteurs qui « n’empruntent pas si souvent les chemins de la littérature ». C’est le moins que l’on puisse dire : selon une enquête réalisée auprès des acheteurs, 100 000 d’entre eux ont reconnu n’avoir auparavant jamais ouvert un livre.

L’éditeur JC Lattès avance quant à lui pour la traduction française le chiffre de 85 000 exemplaires en commande facturée. Et révèle qu’un demi-million d’exemplaires ont été vendus par les propriétaires des droits en Italie, pays où Zlatan a effectué la moitié de sa carrière. Une édition britannique est prévue pour l’automne 2013.

Le merchandising n’est pas en reste : maillots et accessoires divers se vendent comme des petits pains. Un viticulteur français prépare même une cuvée au nom de Zlatan. C’est bien simple, le joueur transforme en or tout ce qu’il touche. Quoi de plus normal après tout ? En serbo-croate, « zlatan » ne signifie-t-il pas « doré » ? A.P.

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