Affaire Dorner : mauvais film à Los Angeles

Le forcené qui a tué quatre personnes avant d’être abattu était un ancien policier. Christopher Dorner, surnommé « le Rambo noir », affirmait vouloir se venger de la corruption et du racisme de ses collègues. Est-ce crédible ?

Photos non datées de Christopher Dorner. © SIPA

Photos non datées de Christopher Dorner. © SIPA

Publié le 28 février 2013 Lecture : 3 minutes.

L’odyssée criminelle de Christopher Dorner, le Rambo noir comme certains l’ont surnommé, s’est donc achevée le 12 février dans les montagnes de San Bernardino, à Big Bear, station de ski située à deux heures de Los Angeles. Au moment précis où, à l’autre bout du pays, Barack Obama prononçait son discours sur l’état de l’Union, quelque 200 hommes des forces spéciales ont donné l’assaut au chalet de vacances où l’ancien flic s’était réfugié. Une fusillade avait éclaté peu avant, causant la mort d’un shérif. La quatrième et ultime victime du forcené. Dorner s’est vraisemblablement tiré une balle dans la tête. Mais la méthode choisie pour le neutraliser – un assaut à la grenade qui a provoqué l’incendie du chalet, alors que celui-ci était cerné de toutes parts – suscite la polémique.

Tout avait commencé le 3 février avec la découverte des corps sans vie de la fille et du futur gendre d’un ancien commissaire. Le lendemain, Dorner, le meurtrier, publie sur Facebook un long manifeste dans lequel il jure de laver son honneur et promet de mener « une guerre asymétrique et non conventionnelle » contre le Los Angeles Police Department (LAPD). Effarée, l’Amérique découvre le sourire angélique de cet ancien réserviste de la Navy rompu aux techniques de survie et prêt à tout pour se venger de ses anciens collègues. En 2008, Dorner avait en effet rédigé un rapport accusant sa supérieure hiérarchique d’avoir tabassé un SDF dans un commissariat. Après une enquête interne bâclée, il avait été renvoyé du LAPD.

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Chasse à l’homme

Le 7 février, à Riverside, un quartier de la Cité des anges, Dorner abat un policier et en blesse deux autres. La chasse à l’homme commence. Cinquante hauts responsables de la police sont placés sous protection rapprochée, d’autres patrouillent en civil pour ne pas risquer d’être identifiés. Dorner a atteint son but : terroriser le LAPD. Cinq jours plus tard, ce sera l’assaut final…

Dans son manifeste, l’ancien flic dénonçait également deux maux qui, selon lui, rongent depuis toujours le LAPD : la corruption et le racisme. Personne n’a oublié la terrible affaire Rodney King. Ni les sinistres exploits de la division Rampart, cette brigade impliquée dans plusieurs scandales de violences policières dans les années 1990 et 2000. Alors, bien sûr, les diatribes paranoïaques du Black Rambo ont rencontré un écho immédiat dans les communautés latino et africaine-américaine : déluge de lettres de soutien adressées au Los Angeles Times, multiplication des pages d’hommage sur Facebook…

Tabassages

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À en croire un habitant de South Central, quartier d’où partirent les grandes émeutes de 1992, rien n’a vraiment changé depuis vingt ans. La police, explique-t-il, n’est pas là pour protéger les Noirs, mais pour les harceler et, le cas échéant, les tuer. Un autre ne doute pas une seconde que Dorner ait bien été renvoyé illégalement. Et jure que les tabassages de SDF par la police restent monnaie courante.

Le LAPD a pourtant fait de gros efforts pour s’amender. Les policiers blancs ne constituent plus qu’un tiers de ses effectifs, alors qu’en 1991 les flics qui passèrent à tabac le jeune Rodney King étaient tous blancs. Le dossier Dorner va donc être rouvert pour tenter de faire toute la lumière sur son licenciement. Dans la communauté noire, des voix, certes pas très nombreuses, s’élèvent pour demander que le forcené ne soit pas vu comme un héros, mais comme un meurtrier.

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Il en faudra davantage pour permettre au LAPD de redorer son blason. L’extrême brutalité avec laquelle la traque du fugitif a été menée ne risque pas d’y contribuer. Le 7 février, deux Latinos qui livraient des journaux à bord d’un pick-up Toyota ont ainsi été blessées par des policiers qui les avaient prises pour Dorner ! Et les circonstances de la neutralisation de celui-ci posent, on l’a vu, question, même si le forcené était en possession d’un véritable arsenal. Bref, de nombreuses zones d’ombre subsistent. On n’a pas fini d’entendre parler de Christopher Dorner, l’ancien du LAPD devenu son pire ennemi.

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