Afrique du Sud : Mamphela Ramphele, Superwoman contre Zuma

Compagne du défunt Steve Biko et égérie de la lutte antiapartheid, la femme d’affaires Mamphela Ramphele, ex-directrice générale à la Banque mondiale, se lance dans la bataille pour les élections générales de 2014.

Ancienne présidente de Gold Fields, Mamphela Ramphele vient de fonder le mouvement Agang. © Stephane de Sakutin/AFP

Ancienne présidente de Gold Fields, Mamphela Ramphele vient de fonder le mouvement Agang. © Stephane de Sakutin/AFP

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 27 février 2013 Lecture : 3 minutes.

Elle est apparue dans l’une de ses tenues traditionnelles, noire et blanche, pour défier le président sud-africain Jacob Zuma. Mamphela Ramphele, 65 ans, une ancienne pasionaria de la lutte antiapartheid devenue universitaire et femme d’affaires, s’est officiellement lancée, le 18 février, dans la bataille pour les élections générales de 2014, après avoir entretenu le suspense des semaines durant. « Notre pays est en danger, parce que nombre de nos responsables ont pour seul moteur leurs intérêts particuliers. Construisons notre nation pour en faire le pays de nos rêves », a-t-elle asséné avec des accents rappelant tantôt Nelson Mandela, tantôt Barack Obama.

Bien qu’elle ait fait peu de propositions concrètes, son discours sonne juste. Suffira-t-il à déstabiliser Jacob Zuma ? Réélu triomphalement en décembre dernier à la tête du Congrès national africain (ANC, au pouvoir), le président semble pour le moment promis à occuper la scène jusqu’en 2019 alors que, depuis son arrivée au pouvoir, en 2009, il n’est pas parvenu à résoudre les principaux problèmes du pays (croissance faible, chômage de masse, inégalités…).

Notre pays est en danger, parce que nombre de nos responsables ont pour seul moteur leurs intérêts particuliers, fustige-t-elle.

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Ancienne directrice générale à la Banque mondiale chargée du développement humain, présidente de la compagnie minière Gold Fields (elle a démissionné le 13 février), Mamphela Ramphele a les compétences pour dirigintérêter la plus grande économie du continent. La presse financière anglo-saxonne a d’ailleurs réservé un accueil bienveillant à sa candidature. Mais son principal atout reste son passé de combattante anti­apartheid. Dans les années 1960, alors qu’elle était étudiante en médecine, elle fut l’un des principaux leaders du Black Consciousness Movement, plus radical que l’ANC (qui était en exil à l’époque), aux côtés de l’icône Steve Biko. Lorsque celui-ci mourut dans les geôles du régime, en 1977, Ramphele était enceinte de lui et assignée à résidence.

Flou

L’image d’une héroïne noire de la lutte contre l’apartheid est justement ce qui fait défaut à l’Alliance démocratique (DA), le principal parti d’opposition, qui, malgré des résultats en progression constante (jusqu’à 24 % lors des municipales de 2011), n’a jamais pu contester la suprématie de l’ANC. D’après la presse sud-africaine, Helen Zille, la dirigeante (blanche) de la DA, avait d’ailleurs proposé à Ramphele de rejoindre sa formation l’année dernière.

L’intéressée a clairement affirmé son intention de concourir elle-même en 2014, mais n’a pas totalement exclu de conclure des alliances, en maintenant le flou sur les contours de son mouvement, baptisé Agang (« construire », en langue sotho). « Je travaille à la formation d’un parti-plateforme politique », a-t-elle déclaré. Il ne lui reste que quatorze mois pour acquérir une base populaire, et elle part de loin, étant « soutenue par une équipe dynamique de cinq personnes ».

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Les syndicats, notamment de mineurs, qui n’apprécient guère ses propositions pour réformer ce secteur-clé de l’économie sud-africaine (mécaniser les mines et recruter moins de travailleurs, mieux qualifiés), lui sont hostiles. « Nous espérons sans y croire qu’il ne s’agit pas d’une initiative américaine visant à déstabiliser notre pays », a renchéri Gwede Mantashe, le secrétaire général de l’ANC, s’appuyant sur des informations selon lesquelles Mamphela aurait commencé à lever des fonds aux États-Unis. Dernier obstacle sur sa route : le système politique sud-africain, fondé sur des scrutins de listes fermées, qui privilégie les partis bien implantés plutôt que les candidats isolés, si talentueux soient-ils.

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