Hommage à Basma Belaïd !

Fawzia Zouria

Publié le 26 février 2013 Lecture : 2 minutes.

Elle est apparue sur les écrans de télévision, drapée dans sa dignité. On l’a vue se retenant de pleurer son mari, la voix disant avec des phrases simples sa douleur et le mal qui ronge sa Tunisie : l’islamisme obscurantiste et la violence inédite dont a été victime, ce 6 février, son époux, Chokri Belaïd, première grande figure de l’après-indépendance, assassiné parce qu’il défendait la justice et la liberté. Traits de madone, Basma Belaïd vient de marquer les esprits. Et il est à parier qu’elle sera au rendez-vous de ce tournant de la révolution et portera demain le flambeau de la résistance.

J’ai appris que cette dame venait d’une région dont on parle peu en Tunisie, le Kef. Pourtant, nombre des victimes de la révolution en sont originaires, de Tala en particulier. Et lorsque, il y a quelques mois, des salafistes sont venus déloger un imam, ils ont été chassés à coups de bâton et poursuivis jusque dans les champs alentour. La grève générale décrétée dans le Kef en janvier a connu un grand succès. Certains des jeunes venus manifester devant le siège du gouvernorat s’étaient cousu la bouche à l’aiguille pour signifier que la Tunisie des nahdhaouis pas plus que celle de Ben Ali ne s’étaient émues de leur misère. Dans certains quartiers, des Keffois ont trinqué publiquement pour narguer les barbus qui rêvent de proscrire le vin. D’autres continuent de monter la garde autour de la Basilique, un édifice datant du VIe siècle qu’un cheikh saoudien a appelé à transformer en mosquée, et à deux pas duquel une frêle dame tient tête aux illuminés qui menacent de brûler le mausolée du fondateur de la confrérie soufie de Sidi Bou Makhlouf : « Ces gens me fichent la trouille, mais je ne les laisserai jamais faire ! » Enfin, c’est dans cette cité de l’arrière-pays que viennent de voir le jour les Black Bloc avec le projet de former les premiers contingents anti-intégristes.

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Et si la prochaine révolution partait de cette région du Nord-Ouest ? Et si Basma était la future Kahina, cette reine berbère qui se battit contre la conquête arabe au VIIe siècle, non loin des montagnes du Kef ? Car cette terre, qui a donné à la Tunisie contemporaine ses grands hommes de théâtre – entre autres -, a jadis produit de grands stratèges de guerre. Massinissa est bien né dans cet ancien grenier de Rome et Jugurtha y a laissé son empreinte.

Je m’enorgueillis d’appartenir à la même ville que cette femme. À la différence près, je le reconnais, que je me contente, confortablement installée sur l’autre rive, de regarder se battre les Tunisiens de sa trempe. À la différence aussi que j’égrène les mots pendant que Basma paie le prix du sang ; que je file la métaphore alors que le courage consiste à être sur le terrain. C’est ça l’exil, mes amis. J’ai beau suivre la chronique des miens et me réclamer de leur espace, je ne fais pas partie de leur temps et n’influe pas non plus sur leur histoire. À chacun son chagrin. Et le mien requiert moins d’hommage que celui de Basma

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