Explosion de sons avec les Tambours de Brazza

Pour leurs 20 ans, les Tambours de Brazza sortent un nouvel album, désacralisant toujours un peu plus le ngoma au contact du jazz, du rap et du reggae.

Publié le 26 février 2013 Lecture : 3 minutes.

« Lorsque certains entendent le nom de notre groupe, les Tambours de Brazza, ils pensent que nous sommes des chanteurs d’onomatopées et que notre spectacle est une sorte de fête au village avec des plumes, des peintures et des raphias… Mais pas du tout ! » Aucun doute, Émile Biayenda, membre fondateur et leader de ce célèbre groupe de percussionnistes congolais, manie aussi l’art de la claque… verbale. Tout chez cet homme de 47 ans, même lorsqu’il s’exprime, est une affaire de rythme et de tempo.

En ce début 2013, le groupe fête ses 20 ans, ou peut-être un peu plus. En réalité, difficile de dire quand il est né officiellement. Tout a commencé au début des années 1990, lorsque Émile Biayenda, initié tout petit au ngoma, un tambour traditionnel, rassemble dans la capitale congolaise plusieurs percussionnistes autour d’un projet mélangeant musique et travail social en faveur des enfants de la ville. Mais le ponctuel s’éternise. « Nous venions d’horizons et d’univers musicaux très divers : du hip-hop, du soukouss, de la variété africaine, du jazz… », raconte-t-il.

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Sur la route des caravanes, des Tambours de Brazza (Buda Musique/Universal)

Leur projet : jouer du ngoma en l’adaptant aux sonorités et aux rythmes modernes venus des cinq continents. « La musique congolaise a toujours été influencée par le monde entier. Je suis d’une génération qui a aussi bien écouté Alpha Blondy que Papa Wemba, James Brown, Franco, Bembeya Jazz ou encore Salut les copains ! déclare Émile Biayenda. Ça a été très dur au début, car nous étions jeunes, urbains – trop pour certains, admet-il aujourd’hui. Et nous nous attaquions à une musique traditionnelle, en débarquant sur scène avec des pantalons "baggy" ! »

Rencontres

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Aujourd’hui, la troupe compte une trentaine de membres, éparpillés essentiellement en Europe après avoir fui dès 1997 un Congo en guerre civile. « Nous ne pensions pas du tout nous installer en Europe. Le rêve, c’était plutôt Abidjan, plaque tournante de la musique africaine », se souvient le Brazzavillois. L’exil, le voyage, qu’ils ont découvert si brutalement, ils en feront un des thèmes privilégiés de leurs cinq albums : de Congo Drums en 1994 à Brazza en 2008. C’est aussi le point de départ de leur nouvel opus, Sur la route des caravanes. « Le titre se réfère bien évidemment à la route des esclaves qui traversait l’Afrique, partait de Zanzibar jusqu’à Salvador de Bahia, au Brésil, en passant par Pointe-Noire [Congo]. Mais cet album reflète surtout notre voyage, nos rencontres à travers le monde. » Raison pour laquelle les invités, tels que Ray Lema au clavier ou le rapeur français TH Lonaz, sont nombreux. La troupe version 2013 s’est aussi renforcée avec de jeunes recrues et, pour la première fois, une femme, la chanteuse Claude Milandou. Et envisage de se produire à Brazzaville après seize années d’absence. « Le temps passe vite et la scène musicale congolaise a beaucoup évolué. Il est temps de rentrer et de marquer notre présence », annonce Émile Biayenda.

Batterie, basse, guitare ou violon accompagnent les tambours, donnant un album aux accents jazz, rap ou encore reggae – quitte à manquer parfois de cohérence. Au centre demeure le ngoma, majestueux, sublimé et désacralisé, encore une fois, avec le plus grand des respects. « Notre but est de faire du tambour un instrument à part entière. Pour qu’il ne soit plus considéré comme un simple instrument d’animation ou un fond sonore. »

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Mission accomplie avec ce nouvel album, mais encore insuffisamment pour le musicien qui enchaîne, s’emballant soudainement : « Nous essayons de le nettoyer de toute cette réputation traditionnelle, faisant référence à des rites initiatiques, qu’il trimbale. » Et de conclure : « C’est de cette manière qu’il gardera toute sa force. Mais s’il est toujours relégué à sa dimension mystique, autant aller le voir au musée du Quai-Branly ! »

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