Hydrocarbures : la Turquie va explorer les eaux libyennes
Un mémorandum signé entre Tripoli et Ankara prévoit de « développer des projets liés à l’exploration, la production et le transport de pétrole et de gaz ».
La Libye et la Turquie ont signé le 3 octobre un accord de prospection d’hydrocarbures dans les eaux libyennes, trois ans après avoir conclu un accord de délimitation maritime controversé qui avait suscité l’ire de l’Union européenne (UE). « Nous avons signé un mémorandum d’entente pour la prospection d’hydrocarbures dans les eaux territoriales de la Libye ainsi que sur le sol libyen par des compagnies turco-libyennes mixtes », a déclaré le chef de la diplomatie turque Mevlüt Çavusoglu, lors d’un point presse avec son homologue libyenne Najla al-Mangoush.
Le mémorandum a été signé lors d’une visite effectuée à Tripoli par une délégation turque de haut niveau, comprenant notamment les ministres de l’Énergie, Fatih Dönmez, de la Défense, Hulusi Akar, et du Commerce, Mehmet Mus. Ce mémorandum prévoit de « développer des projets liés à l’exploration, la production et le transport de pétrole et de gaz », a expliqué le porte-parole du gouvernement de Tripoli, Mohamed Hamouda, dans une publication sur Facebook.
Pétrole contre aide militaire
Un accord controversé de délimitation maritime avait été conclu en novembre 2019 entre l’ancien Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, et le gouvernement turc. Cet accord permet à Ankara de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale, au grand dam de la Grèce et de l’UE. Çavusoglu a défendu cet accord et le mémorandum sur les hydrocarbures. Il s’agit d’« une affaire qui concerne deux pays souverains, c’est du gagnant-gagnant pour les deux et les autres pays n’ont pas le droit de s’ingérer dans ces affaires », a-t-il dit. Mangoush s’est pour sa part félicitée pour cet accord « très important », affirmant qu’il servait « les intérêts des deux pays ».
En contrepartie de l’accord de délimitation maritime de 2019, la Turquie avait aidé le gouvernement de Tripoli à repousser en juin 2020 l’offensive menée par les forces du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est, pour prendre la capitale. Ankara avait envoyé en Libye des conseillers militaires et des drones, ce qui avait permis d’infliger une série de défaites aux portes de Tripoli aux forces du maréchal Haftar, soutenu par la Russie et par des rivaux régionaux d’Ankara, notamment les Émirats arabes unis et l’Égypte.
« Illégal et inacceptable »
Depuis le mois de mars dernier, deux gouvernements se disputent le pouvoir en Libye, pays ayant sombré dans le chaos après le soulèvement qui a entraîné la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Celui de Tripoli a été mis en place en 2021 dans le cadre d’un processus de paix parrainé par l’ONU, tandis que l’autre est conduit par l’ancien ministre de l’Intérieur, Fathi Bachagha, et soutenu par le camp du maréchal Haftar. Le président du Parlement basé dans l’Est, Aguila Saleh, un allié du maréchal Haftar, a qualifié l’accord signé lundi d’ »illégal et inacceptable ». Le gouvernement soutenu par le camp de l’Est l’a, lui aussi, rejeté, se réservant « le droit de recourir à la justice » pour obtenir son annulation.
Réagissant au mémorandum, le chef de la diplomatie grecque Nikos Dendias a révélé sur Twitter qu’il estimait, ainsi que son homologue égyptien Sameh Choukry, que le gouvernement de Tripoli était dépourvu de « légitimité » pour sceller un tel accord. Dendias a également annoncé qu’il se rendrait dimanche au Caire pour des « consultations » sur ce dossier.
Chypre, l’Égypte et la Grèce estiment que l’accord de délimitation maritime turco-libyen de 2019 viole leurs droits économiques dans ce secteur où la découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers a aiguisé l’appétit des pays de la région. L’Égypte et la Grèce avaient d’ailleurs signé en août 2020 leur propre accord de démarcation de frontières maritimes en Méditerranée orientale, en guise de riposte à l’entente turco-libyenne.
(Avec AFP)
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