Nigeria : Stephen Keshi, l’anticonformiste

Sélectionneur des Super Eagles, champions d’Afrique le 10 février, il n’hésite pas à mettre des stars au placard et milite pour que les équipes du continent soient entraînées de préférence par des Africains.

Stephen Keshi, sélectionneur du Nigeria. © AFP

Stephen Keshi, sélectionneur du Nigeria. © AFP

Alexis Billebault

Publié le 24 février 2013 Lecture : 2 minutes.

Il ne faut pas trop se fier à sa bouille toute ronde et à son regard parfois mélancolique. Stephen Keshi dissimule rarement ses sentiments. Et ne s’embarrasse pas davantage de tournures diplomatiques, qu’il s’agisse de défendre ses idéaux, au risque d’agacer une partie de sa corporation, ou d’annoncer sa démission au lendemain de la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2013, remportée face au Burkina (1-0) grâce à un but de Sunday Mba, l’une de ses trouvailles, déniché à Enugu Rangers… Il est finalement revenu sur sa décision quelques heures plus tard, après l’intervention du ministre des Sports. « J’ai reconsidéré ma position et décidé de poursuivre mon travail », a-t-il sobrement expliqué.

Né à « Lagos la dingue » il y a cinquante et un ans, Stephen Keshi a beau avoir fait l’essentiel de sa carrière de joueur (Côte d’Ivoire, Belgique, France, États-Unis et Malaisie) et de sélectionneur (Togo et Mali) à l’étranger, il connaît trop bien son pays, turbulent et violent, pour feindre de s’étonner des réactions hostiles que suscitent ses choix. Depuis sa nomination en novembre 2011, le Big Boss – son surnom du temps où il était l’un des meilleurs footballeurs du Nigeria, et que le sacre de Johannesburg devrait pérenniser – s’est beaucoup fait allumer par la presse et l’opinion. « Si l’équipe se rate, tout le pays te tombe dessus », confiait-il au quotidien français L’Équipe le 5 février. Son choix d’écarter de sa liste définitive pour la CAN Orange 2013 quelques célébrités (Taye Taiwo et Peter Odemwingie notamment) lui a valu une attaque en piqué de ses opposants, et surtout d’Odemwingie, qui a déversé son fiel sur les réseaux sociaux.

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Deuxième Africain, après l’Égyptien Mahmoud el-Gohary, à gagner la CAN en tant que joueur (en 1994) et sélectionneur, Keshi aime bousculer les évidences. La mise au placard, sans doute temporaire, de quelques stars locales le prouve. « Il est très ouvert au dialogue, se souvient Jean-Paul Abalo, qui fut son capitaine au Togo d’avril 2004 à février 2006, puis quelques semaines en 2007. Il est à la fois cool et rigoureux, c’est un mélange d’entraîneur à l’ancienne et de coach moderne. En revanche, c’est lui qui décide. Il a une forte personnalité et aime bien tout contrôler. » Cédric Kanté, l’international malien, évoque un homme « certes autoritaire, qui sait s’imposer, mais aussi proche des joueurs ».

Boulot

Le sélectionneur des Super Eagles n’hésite pas à utiliser les médias pour faire passer ses messages. En janvier 2012, il avait expliqué à L’Équipe Magazine que les entraîneurs blancs « viennent en Afrique [nous] voler [notre] boulot », visant à l’évidence Manuel Amoros et Didier Six, alors fraîchement nommés au Bénin et au Togo malgré un CV de coach pas assez étoffé à son goût. « Quand je l’ai croisé à Durban pour le tirage au sort de la CAN, il m’a dit que ses propos avaient été déformés », explique le sélectionneur des Éperviers. Pourtant, le 6 février dernier, en Afrique du Sud, Keshi a récidivé. « Le problème, si tu as la peau noire, c’est qu’au pays on va s’interroger sur ta capacité. Si tu es blanc, on va te laisser le temps de faire tes preuves », a-t-il lâché, avant d’ajouter qu’il n’a « rien contre les entraîneurs blancs, qui sont formidables », à condition qu’« ils aident le football africain »… 

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