Et il était comment le dernier… Modiano ?

Fouad Laroui © DR

Publié le 26 février 2013 Lecture : 2 minutes.

Curieux attelage, se dit-on au moment où l’on se rend compte, après quelques pages, que c’est l’affaire Ben Barka qui a inspiré le dernier Modiano. Après tout, ce dernier n’a jamais montré un intérêt particulier pour le Maroc, et sa période de prédilection est plutôt celle de l’Occupation. Puis on se rend compte que « l’affaire » n’est pour Modiano qu’un prétexte. Elle a tout pour le séduire : du flou, du gris, du mouvant… Des personnages insaisissables. Rien que du vulgaire et du subalterne, disait de Gaulle. Le narrateur (on ne saura rien de lui sinon qu’il s’appelle Jean) connaît un certain Aghamouri, habitant au pavillon du Maroc à la Cité universitaire de Paris. Ce prétendu étudiant travaille en réalité pour les services secrets marocains. Il fréquente des truands bien français (Marciano, Chastagnier, Georges B. dit Rochard…) dont l’un gère des lieux louches au Maroc. Il y a aussi une certaine Dannie, rencontrée grâce à Aghamouri. Le narrateur s’éprend de cette jeune femme aux identités multiples et dont on comprend que c’est elle qui aurait tué, « par accident », l’homme politique que les truands ont enlevé. Si même Modiano a une théorie sur l’affaire Ben Barka, on n’est pas près de sortir de l’auberge…

L’auberge, justement, ou plutôt l’Unic Hôtel, donne une certaine unité de lieu à l’histoire – s’il y en a une. C’est là que le narrateur entrevoit les protagonistes, de temps à autre, la nuit de préférence ou les matins blêmes. Il se retrouve parfois quai de Gesvres, à répondre aux questions d’un inspecteur de police qui enquête sur un meurtre – ou peut-être sur autre chose. Le récit se déroule au rythme des souvenirs, des doutes et des repentirs comme une hallucination agitant mollement une purée de pois. On ne sait pas où on va, mais on suit, fasciné, Modiano parce qu’il y a la fameuse « petite musique », parce que nous sommes des najas et que c’est lui qui fait susurrer la flûte. On ne comprend rien mais on hoche la tête. On marche, on lit, on rêve.

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Et puis tout s’écroule. Les fétus de paille auxquels le lecteur croyait s’accrocher, imaginant une histoire, une intrigue, Ben Barka expliqué aux ectoplasmes, eh bien ces fétus filent au fil de l’eau. Il n’y a plus rien, aucune certitude. Le narrateur assène à Dannie : « Tu n’es pas née à Casablanca, comme tu me l’avais dit […]. Tu es née à Paris pendant la guerre, deux ans avant moi. » Et c’est ainsi que le Maroc s’efface, tout doucement, et va rejoindre dans la pénombre les autres lieux mi-réels, ?mi-imaginaires, qui obsèdent Modiano et qui constituent le décor évanescent de ses récits. Celui-ci ne détonne pas dans la série. Vous qui aimez Modiano depuis Mathusalem, vous adorerez ce livre. Les autres passeront leur chemin. 

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