Mali : sur les pas de Ramsès Damarifa, leader de Tata Pound

Figure emblématique du hip-hop malien, Ramsès Damarifa, le leader de Tata Pound se met en scène dans un portrait musical où il apparaît comme un formidable acteur.

Ramsès Damarifa revendique un répertoire engagé. © DR

Ramsès Damarifa revendique un répertoire engagé. © DR

Clarisse

Publié le 15 février 2013 Lecture : 3 minutes.

Sa voix puissante envahit l’espace. Ramsès Damarifa apparaît au milieu des spectateurs, sur un rap décoiffant, « Vert, jaune, rouge », à la gloire du drapeau malien. Il vient d’interrompre Soumaoro, qui racontait l’histoire du roi forgeron, dont ils sont tous deux des descendants. Mis en scène par François Ha Van, Plus fort que mon père met en lumière les liens profonds et parfois conflictuels qui se nouent entre l’histoire ancienne du Mali et les aspirations des jeunes chanteurs d’aujourd’hui. Les protagonistes défendent chacun son point de vue sur ce que doit être une mélodie, quels instruments utiliser… puis finissent par s’accorder et créer une chanson en duo, entre tradition et modernité. Initiée par Jean-Louis Sagot-Duvauroux, cofondateur de la troupe franco-malienne BlonBa, cette pièce est aussi et avant tout la biographie musicale de Ramsès Damarifa. À 36 ans, cette figure du hip-hop malien se produit dans les stades et rassemble en moyenne 25 000 spectateurs à chaque concert. À son compteur, six albums avec son groupe Tata Pound, un en solo et un deuxième en préparation.

Sur scène, sa vie est à peine romancée, et l’on découvre comment Sidy Soumaoro – son vrai nom – s’est inspiré de la musique de son père, Idrissa Soumaoro, chanteur à succès, compagnon de route de Salif Keita et de Mory Kanté et par ailleurs professeur de chant d’Amadou et Mariam. S’il enflamme aujourd’hui Bamako de son rap singulier, Ramsès Damarifa revendique des influences américaines (Tupac Shakur, B.G. [Baby Gangsta]…), jamaïcaine (Bob Marley) ou française (I Am). Euphorique à ses débuts, en 1996, cet originaire de Ouéléssébougou (à environ 80 km de Bamako) a longtemps imité ses idoles avant de créer un style plus personnel, où les instruments traditionnels habillent judicieusement ses textes en bambara ou en mandingue, donnant à son rap une coloration africaine. « J’ai atteint son but, se vante-t-il. Ce genre musical n’a d’intérêt que s’il est engagé, s’il incite à un changement de mentalité et surtout s’il parle au plus grand nombre. »

Dans le premier album des Tata Pound, en 2000, le rappeur exhortait les politiques à s’unir, malgré leurs différends, pour éviter au pays de sombrer dans le chaos.

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Ramsès (un clin d’oeil au groupe I Am, dont les membres ont des pseudonymes empruntés à l’Égypte ancienne) se souvient que le succès s’est invité dès le premier album de Tata Pound, enregistré à Dakar en 2000, grâce au titre « Confrontation ». Le rappeur y exhortait les politiques à s’unir, malgré leurs différends, pour éviter au pays de sombrer dans le chaos. Sa plus grande réussite ? « Être parvenu à fédérer plusieurs générations autour de chansons souvent interdites de diffusion sur les antennes publiques », assure-t-il. Les textes de Ramsès disent la fierté et rappellent au peuple malien son histoire ; ils épinglent les faux patriotes coupables de détournements de deniers publics, rendent hommage à ceux qui quittent leur pays à bord d’embarcations de fortune et y reviennent en avion pour construire des hôpitaux. En ces périodes de troubles, ils revêtent un accent particulier. Le rappeur se dit honoré que « Vert, jaune, rouge » soit l’un des titres les plus écoutés au Mali depuis la visite de François Hollande à Bamako.

Un look sage

Loin de lui pourtant le désir de faire sien le vocabulaire guerrier de certains de ses homologues. Il n’a d’ailleurs rien de l’image caricaturale que l’on peut se faire des rappeurs. Pas torturé pour un sou, ce diplômé de l’enseignement supérieur – comme les deux autres membres de Tata Pound (Dixon et Djo Dama) – décrit une enfance studieuse, dans une fratrie de neuf enfants. En jeans et baskets, imposant par son 1,94 m, il affiche un look plutôt sage, sans tatouages ni autre fioriture. De la panoplie bling-bling, ce célibataire, père d’une petite fille de 6 ans, ne retient que les chaînes extravagantes dont il se pare pour les besoins du spectacle.

Après le succès de la comédie Bama Saba (avec Lassy King Massassy et Amkoullel) en 2010, récemment diffusée sur TV5, et la tournée actuelle de Plus fort que mon père, Ramsès Damarifa avoue envisager de persévérer dans cette voie et de devenir un acteur accompli, menant de front les deux carrières. Il est d’ailleurs l’un des principaux acteurs de la dernière création théâtrale de BlonBa, Dieu ne dort pas, créée à Bamako en 2012 et qui sera jouée à Paris en mai.

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