Côte d’Ivoire : ceux qui choisissent de rendre les armes
C’est un défi sécuritaire mais aussi social en Côte d’Ivoire : désarmer et réinsérer les ex-combattants. Et pour l’instant, ça marche…
Côte d’Ivoire : peut-elle redevenir un modèle ?
Le 22 octobre 2012 au matin, à Anyama, dans la grande banlieue d’Abidjan, des centaines d’hommes en tenue militaire sont sagement alignés, en une longue file indienne, à l’entrée du camp de l’ex-3e bataillon d’infanterie. Ils ne viennent pas s’engager, bien au contraire. Ils sont là pour en finir avec leur statut de soldats de circonstance.
Une fois entrés, les futurs anciens combattants se font inscrire et sont reçus par des agents, auxquels ils remettent leurs attributs guerriers (bottes, treillis, sacs, etc.) et, avant toute chose, ils rendent leurs armes. Ce dépouillement achevé, on leur remet un kit d’entrée dans la vie civile : une carte de démobilisation et un survêtement pour remplacer leurs anciens « habits ». Pour mieux symboliser l’enterrement d’une vie désormais révolue, les effets abandonnés sont aussitôt détruits par le feu. Tel était le cérémonial, maintes fois répété depuis, de la vaste opération lancée ce jour d’octobre par l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants (ADDR).
Créée le 8 août 2012 et placée sous la tutelle du Conseil national de sécurité (CNS, lire p. 84), l’ADDR est venue remplacer toutes les structures qui avaient la même vocation. À sa tête, Fidèle Sarassoro, un civil qui était jusqu’alors représentant du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en RD Congo.
Temps perdu
Le grand projet de désarmement était jusqu’à présent un serpent de mer en Côte d’Ivoire. Depuis 2007, nombre d’organismes aux intitulés aussi volontaristes que peu suivis d’effet se sont succédé ou chevauchés. Le dernier en date, le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire, a été refondu dans l’ADDR. « Toutes ces entités faisaient maison commune et chambre à part. Il s’était installé une espèce de cacophonie et de rivalité entre elles, déplorait Emmanuel Noubissié, chargé principal des opérations de la Banque mondiale à Abidjan, sur les ondes d’Onuci FM, en août. Résultat, après plusieurs années de fonctionnement, les résultats sont extrêmement mitigés. Il n’y a pratiquement pas eu de désarmement. »
Au moment du lancement du plan, à Anyama, un total de 2 000 hommes, après un test psychologique et une visite médicale les ayant déclarés « aptes », devaient intégrer le corps des gardes pénitentiaires. Une avancée notable, mais un chiffre qui est encore bien timide face à cet immense corps que sont les anciens soldats désoeuvrés. On estime régulièrement qu’entre 50 000 et 100 000 combattants (ex-rebelles, miliciens, mercenaires, chasseurs traditionnels dozos) opèrent encore sur le territoire, confronté à des exactions quotidiennes – vols et ventes d’armes illicites, trafics en tous genres, racket, attaques armées…
Attaques
Pour être sûr de n’oublier personne, l’ADDR travaille en étroite collaboration avec l’Institut national de la statistique (INS), qui effectue en amont un travail de recensement région par région. Mais ce processus d’identification qui se veut irréprochable a fait l’objet de critiques. Ainsi, la sélection des 2 000 ex-combattants candidats à la réinsertion (seul chiffre communiqué pour l’instant par l’ADDR) serait en fait la chasse gardée d’anciens comzones (commandants de zone) qui vendraient les futures charges. De faux vétérans auraient ainsi été indûment « réintégrés ».
Pour répondre à ces attaques, le directeur de l’ADDR organise des tournées dans le pays, contrôle les listes établies et fait patienter les demandeurs en leur faisant allouer des dons de subsistance. Comme ce samedi 19 janvier à Ferkessédougou (Nord), où les anciens combattants ont reçu des vivres et une enveloppe globale de 1 million de F CFA (plus de 1 500 euros) à se partager. En attendant de se désarmer, il faut manger.
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