Côte d’Ivoire : DKD décodé
Proche de longue date du chef de l’État, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, a les coudées plus franches que son prédécesseur.
Côte d’Ivoire : peut-elle redevenir un modèle ?
Il a le débit rapide, l’oeil rieur et l’intelligence vive. Son discours est sobre, carré, technique. Grand, le crâne largement dégarni, Daniel Kablan Duncan (DKD) a plus le profil d’un commis de l’État que d’un politique. Bien que vice-président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Kablan Duncan ne semble d’ailleurs pas nourrir d’ambition politique particulière et assure ne pas vouloir briguer la magistrature suprême en 2015. Énorme avantage. On devrait le laisser travailler en paix et il ne se mêlera pas à la guerre de succession qui fait déjà rage dans les coulisses du pouvoir. Toujours d’humeur égale, il aime positiver et se montre disponible à l’égard de la presse. Cela fait partie du job, même s’il reproche aux journalistes de rarement parler des trains qui partent à l’heure.
Nommé chef du gouvernement le 21 novembre 2012, après avoir tout fait pour briser l’isolement du pays à la tête des Affaires étrangères, Kablan Duncan, 69 ans, n’a pas mis beaucoup de temps à retrouver ses marques à la primature – qu’il a déjà occupée de 1993 à 1999, sous la présidence de Henri Konan Bédié. Originaire de Ouellé (centre du pays), à la fois proche du chef de l’État et de son allié dans la coalition au pouvoir, Konan Bédié, DKD jouit d’une bonne image auprès de la communauté internationale – il parle anglais couramment et a des notions d’espagnol ainsi que d’allemand. Convivial, après les séances de travail, il aime aussi converser avec ses interlocuteurs autour d’une coupe de champagne.
Convaincant
Alassane Dramane Ouattara (ADO), qui souhaite se concentrer sur les questions internationales et la sécurité intérieure, lui a confié une feuille de route très large – dialogue politique avec l’opposition, réconciliation nationale, reconstruction, relance économique – et compte sur lui pour aller jusqu’à la fin de son mandat, en 2015. Pendant les huit mois de l’avocat Jeannot Ahoussou-Kouadio à la tête du précédent gouvernement, le chef de l’État devait continuer à superviser l’économie. Sans compter que l’ex-Premier ministre n’avait pas assez de poigne pour contrôler son équipe. « Les ministres passaient au-dessus de sa tête pour venir me parler de leurs problèmes, confiait récemment Alassane Ouattara à l’un de ses visiteurs. Avec le nouveau Premier ministre, ce n’est pas le cas. »
Dès sa prise de fonctions, ce dernier est allé à Paris, début décembre, à la rencontre des bailleurs de fonds. Jugé convaincant, il a obtenu 4 300 milliards de F CFA (plus de 6,5 milliards d’euros) pour financer le Plan national de développement du pays jusqu’en 2015. Depuis, pas une semaine ne passe sans qu’il aille inaugurer un pont ou une route. Chaque semaine aussi, il reçoit des investisseurs, banquiers ou patrons de groupes miniers. Très pris par ces inaugurations et ces audiences, il a confié son cabinet à un technocrate du même profil, Théophile Ahoua N’doli, un ancien de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et ministre du Développement industriel de 1996 à 1999. Un « dircab » qui a ses réseaux à Paris, en particulier au sein du Trésor et de l’Agence française de développement (AFD).
Aucune amibition politique personnelle. Énorme avantage pour qui veut travailler en paix.
En janvier, DKD s’est consacré à la relance du dialogue avec l’opposition, un dossier important pour que le pays retrouve son label de « démocratie ». Il souhaite aussi s’impliquer sur le chantier de la réconciliation, qui, selon lui, « est l’affaire de tous ». Un autre de ses défis étant de lutter contre l’inflation alors que les prix à la consommation ont beaucoup augmenté, au grand dam de la population. Autant de questions sur lesquelles l’impatience des Ivoiriens est aussi forte que leurs attentes sont grandes. Le gouvernement devra donc y répondre très rapidement.
Main dans la main
Pour ce faire, le chef de l’État a une confiance aveugle en son Premier ministre, libéral comme lui. En retour, le chef du gouvernement lui rend compte très régulièrement et le consulte sur toutes les décisions importantes à prendre. Ils préparent ensemble chaque Conseil des ministres, généralement le mardi. « Il est compétent, réactif et connaît mes méthodes de travail », confie le chef de l’État. « Nous avons des convergences de vue en matière de développement socioéconomique, et ça va beaucoup plus vite quand vous comprenez ce que souhaite votre patron », précise DKD de son côté. Un patron qui a toujours voulu l’associer à sa carrière.
Kablan Duncan est un technocrate qui, comme lui, a fait ses armes à la BCEAO. Leur rencontre remonte à 1975 : ADO est alors directeur des études de la banque, basé à Paris, lui est chef des études à Abidjan. En 1990, quand ADO est nommé Premier ministre par Houphouët, il appelle DKD à ses côtés et en fait son superministre (Économie, Finances, Plan, Commerce et Industrie). Ils travaillent alors main dans la main pour redresser et ouvrir l’économie, relancer la coopération avec les bailleurs de fonds, préparer la dévaluation du franc CFA… « Nous avons pensé beaucoup de projets de développement dans les années 1990, confie Daniel Kablan Duncan. Mais ils n’ont tout simplement pas pu voir le jour pendant les dix années de crise politico-militaire. »
À la mort de Félix Houphouët-Boigny, en décembre 1993, Henri Konan Bédié, dauphin constitutionnel en tant que président de l’Assemblée nationale, propose à Kablan Duncan de prendre la tête du gouvernement. Il accepte (et y restera six ans) après avoir obtenu l’approbation de son ami, Alassane Ouattara. Lors de la passation des charges, il rend un hommage appuyé à son prédécesseur, dont il admire la maîtrise des dossiers et l’autorité naturelle. « Le changement est toujours source de progrès et d’imagination », lui répond celui qui entame alors une longue traversée du désert.
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