Réinventer la Côte d’Ivoire
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 12 février 2013 Lecture : 3 minutes.
De quoi la Côte d’Ivoire a-t-elle le plus besoin aujourd’hui ? Ré-con-ci-lia-tion ! nous dit-on. Pourtant, cet horizon, qu’il ne suffit pas de décréter ou de réclamer sans en définir les contours, ne peut qu’être lointain, dans un pays qui a vécu une telle crise et qui, depuis la mort d’Houphouët, s’est perdu dans les limbes de la haine, de l’exclusion et du communautarisme. Plus de dix-huit mois après l’investiture d’Alassane Ouattara, nous en sommes toujours au même point : la réconciliation ne concerne que ceux qui le veulent bien, parce qu’ils ont compris qu’ils y ont intérêt et parce qu’ils veulent tourner la page sans se préoccuper de son contenu, avancer, étudier, travailler. Les plus radicaux des deux camps, eux, n’ont que deux idées en tête : asseoir leur domination pour les uns (et se prémunir du retour de leurs adversaires), se venger pour les autres. Le reste est affaire de temps, de volonté, mais aussi d’équité. Élargir (ou protéger) des assassins ou les responsables de la tragédie qu’a représentée la crise postélectorale ne peut constituer un préalable et encore moins le socle d’un dialogue fécond. Comparer la Côte d’Ivoire de 2013 à l’Afrique du Sud de 1994 n’a aucun sens. Il ne s’agit pas de la même histoire, et encore moins des mêmes enjeux.
En revanche, ce qui devient impérieux pour la Côte d’Ivoire, c’est la justice et la démocratie. Justice pour juger rapidement, définitivement et dans de bonnes conditions les présumés coupables, embastillés depuis de très longs mois sans procès. Afin de sanctionner ceux qui ont commis de réels crimes ou délits, mais, aussi, de relâcher ceux à qui rien ne peut être reproché, dans le respect du droit et des lois en vigueur. Démocratie parce qu’un pays ne peut de nos jours réellement progresser sans opposition, sans débats et sans contre-pouvoirs. Il y a loin de la coupe aux lèvres, mais le dialogue engagé depuis la nomination de Daniel Kablan Duncan au poste de Premier ministre représente déjà une avancée, même si elle demeure timide.
Il y a de la coupe aux lèvres, mais le dialogue qui vient de s’engager est déjà une avancée.
Côté économie, Alassane Ouattara n’a besoin de personne pour développer un pays qui, malgré ce qu’il a subi, demeure la première puissance de la région. Il maîtrise ce dossier mieux que quiconque. Et se trouve considérablement aidé dans cette mission par son chef du gouvernement, autre spécialiste en la matière, qu’il aurait d’ailleurs voulu à ses côtés plus tôt.
Une relance indispensable mais pas suffisante. A fortiori si la croissance ne profite pas à tous et si les tensions communautaires et les déséquilibres politiques persistent. Il est aberrant de penser que ceux qui ont soutenu Laurent Gbagbo – simples partisans ou électeurs – n’ont qu’à raser les murs et expier ce choix ad vitam æternam. Comme il est illusoire d’imaginer qu’un pouvoir fragile et qui revient de loin pouvait se permettre, alors même qu’il creusait ses fondations, de faire preuve de mansuétude à l’égard de ceux qu’il suspectait de vouloir précipiter sa chute. Sa survie mais aussi la stabilité du pays étaient en jeu. Il est cependant temps, désormais, de passer à une nouvelle phase.
La Côte d’Ivoire, il faut la réinventer. En s’inspirant de ce qui en faisait la vitrine de l’Afrique de l’Ouest et un modèle dans les années 1980. En veillant, aussi, à bannir les comportements qui ont abouti à sa descente aux enfers. En réfléchissant, enfin, au projet – économique, social, politique ou diplomatique – qui devra être élaboré pour renouer avec son glorieux passé. Et, pour cela, il faudra la contribution de tous les Ivoiriens.
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