En Espagne, tout fout le camp
Un Premier ministre espagnol et son parti accusés par la presse de financement illégal… Une opposition pas toujours à l’abri de tout soupçon… Une monarchie de plus en plus discréditée…
Le gouvernement de Mariano Rajoy résistera-t-il à la tourmente dans laquelle il est plongé ? Les principaux dirigeants du Parti populaire (PP) sont en effet accusés par le quotidien El Mundo d’avoir, vingt ans durant, reçu chaque mois des mains de Luis Bárcenas, leur trésorier, des enveloppes contenant entre 5 000 et 15 000 euros en liquide destinés à compléter leurs salaires. Ces revenus n’étaient bien sûr pas déclarés. La corruption n’est certes pas un phénomène nouveau en Espagne. Avec le boom immobilier des années 2000, elle a même eu tendance à se généraliser. Mais cette fois, alors que la crise économique s’éternise et que le taux de chômage avoisine 26 %, le scandale est énorme.
Le 31 janvier, la tension monte d’un cran. Le quotidien El País publie des documents semblant attester que Rajoy, pourtant réputé pour son intégrité et jusqu’ici épargné par les accusations, aurait perçu entre 1997 et 2008 quelque 25 000 euros annuels non déclarés. L’intéressé s’étrangle d’indignation (« Tout est faux, je n’ai jamais reçu d’argent noir »), promet de rendre publics sa déclaration fiscale et l’état de son patrimoine… Cela n’empêche pas l’opposition socialiste d’exiger sa démission. Une pétition en ce sens a déjà recueilli plus de 840 000 signatures. Cinq jours plus tard, coup de théâtre : le quotidien en ligne ABC souligne de graves incohérences dans les documents publiés par El País. « Il y a une volonté de détruire le PP, et en particulier le chef du gouvernement », accuse Bárcenas
« La question que se posent désormais les Espagnols est la suivante : quelle institution dans ce pays est-elle épargnée par la corruption ? » commente Juan Carlos Jiménez, de l’université San Pablo CEU à Madrid. De fait, les scandales se multiplient et ne sont nullement l’apanage de la droite. Des responsables socialistes sont mis en examen en Andalousie, des nationalistes catalans convaincus de corruption.
Détournement
Et puis il y a le procès en cours depuis 2011 d’Iñaki Urdangarin, le gendre de Juan Carlos Ier. Ancien champion olympique de handball, l’époux de l’infante Cristina est soupçonné d’avoir détourné 5,8 millions d’euros d’argent public, versés par les autorités régionales des Baléares et de Valence à l’Institut Noos, qu’il présidait, pour organiser des événements sportifs. Il doit être à nouveau entendu par un magistrat le 23 février et pourrait être condamné à une peine de prison. « La justice est la même pour tous », a tranché le roi, qui, sur le site internet de la famille, a fait supprimer la page réservée à son gendre. Celui-ci est désormais interdit de toute manifestation officielle.
Mais Juan Carlos lui-même n’est pas épargné par une sensible baisse de sa popularité. Selon un sondage publié début janvier par El Mundo, seuls 50 % des Espagnols jugent son bilan « bon » (43,5 %) ou « très bon » (6,6 %). Un an auparavant, ils étaient 76,4 %. En avril 2012, sa participation à une chasse à l’éléphant au Botswana, alors qu’il présidait l’ONG WWF, puis son rapatriement d’urgence, à grands frais, après l’accident dont il avait été victime à cette occasion, avaient choqué. D’autant qu’il est vite apparu que le safari avait été organisé par Corinna zu Sayn-Wittgenstein, son « amie intime ». Sa réputation de coureur de jupons a beau être solidement établie, trop, c’est trop !
Monté sur le trône en 1975 après que le caudillo Francisco Franco eut décidé de restaurer la monarchie, le Bourbon (c’est un lointain descendant de Louis XIV) vient de fêter ses 75 ans et a déjà subi plusieurs opérations. Quarante-cinq pour cent des Espagnols souhaitent qu’il abdique en faveur de Felipe, son fils. José Apezarena Armiño, le biographe de ce dernier, n’y croit pas une seconde. « Tant qu’il aura la force de continuer, Juan Carlos n’abdiquera pas, estime-t-il. Et pour que la monarchie tombe, il faudrait que le PP et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) n’en veuillent plus, ce qui n’est pas le cas. »
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